7 décembre 2021

CinéZone | Billy Wilder - Témoin à charge (1957)




S'il n'est certes pas le film le plus personnel de Billy Wilder, Témoin à charge n'en délivre pas moins un spectacle en tout point jubilatoire. Il le réalise durant l'année la plus chargée de sa carrière puisque 1957 le verra enfanter deux autres productions, Ariane et L'odyssée de Charles Lindbergh , tous les trois coincés, excusez du peu, entre Sept ans de réflexion (1955) et Certes l'aiment chaud (1959) ! 

Au départ de Witness For The Prosecution, il y a bien sûr un court texte d'Agatha Christie de 1924, qu'elle adaptera presque trente ans plus tard sous la forme d'une pièce de théâtre à succès, seconde vie qui incitera Hollywood à s'en emparer. Une fois n'est pas coutume, l'écrivain, plutôt fâchée avec le septième art, sera enthousiasmée par cette adaptation qui pourtant, prend des libertés avec sa création qu'elle soit littéraire ou théâtrale. Ainsi le matériau d'origine, essentiellement axé sur Leonard Vole et son procès, est déplacé par Billy Wilder et ses scénaristes vers le personnage de sir Wilfrid qu'il imagine convalescent et flanqué d'une envahissante infirmière qui n'existe ni dans la nouvelle ni dans la pièce. 

Nonobstant l'intrigue machiavélique riche de multiples rebondissements et coups de théâtre imaginée par Agatha Christie, le coup de génie de Wilder réside à la fois dans l'importance accordée à l'avocat et sa relation savoureuse avec miss Plimsoll et plus encore au fait d'avoir confié ces deux rôles à Charles Laughton et à Elsa Lanchester, époux à la ville (d'où l'alchimie entre les deux qui crève l'écran) et comédiens de grand talent. Avec sa bonhomie roublarde, Laughton transforme de manière ludique son personnage, à l'origine plus austère, aussi habile à manier l'ironie qu'à plaidoyer. Il faut le voir ruser avec ses invités pour accaparer les cigares qui lui sont interdits ou monter et descendre l'escalier avec le petit ascenseur. 

Dans cet humour piquant et malicieux, niché dans des dialogues délectables, réside la signature de Wilder ainsi que sa mise en scène brillante en cela qu'elle évite de sombrer dans le piège tendu par le théâtre filmé alors même que le récit ne quitte jamais le bureau de l'avocat dans la première partie puis le tribunal dans la seconde. Mais grâce aux remarquables décors fournis par l'irremplaçable Alexandre Trauner et un montage serré, le réalisateur délivre un travail d'une belle vitalité. Ce qui permet à Témoin à charge de ne pas avoir pris une ride. 

Louons enfin l'interprétation de Tyrone Power à contre-emploi et pour la dernière fois à l'écran (il mourra d'une crise cardiaque peu après) et celle de Marlene Dietrich qui revisite sa propre mythologie et compose un fascinant et ambigüe portrait de femme. Témoin à charge demeure une des adaptations les plus réussies de l'œuvre d'Agatha Christie avec Le crime de l'Orient Express. (vu le 21.04.2021) ⍖⍖⍖⍖





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