8 novembre 2021

KröniK | Nathr - Beinarúga (2021)




Rituel long d’à peine 24 minutes peut-être, Beinarúga n’en donne pas moins l’impression de s’étirer bien au-delà de cette (petite) demi heure au point qu’il paraît durer le double, interminable procession engluée dans une lenteur digne d’un escargot sous Valium. Si le genre auquel se rattache l’offrande, alliage sinistre à base de black  metal et de funeral doom, commande évidemment cette lancinance aussi immobile que mortuaire, son géniteur semble surtout chercher à repousser les limites de la catatonie morbide qui confine à une forme d’asphyxie fantomatique. Le chant aux allures de gargouillis écorchés résonne comme un écho funèbre, dissonante et polluée, la guitare est rongée par un foutre noir au goût de rouille tandis que le batteur a le temps d’aller pisser entre deux coups de caisse claire. C’est lent, d’une monotonie vaseuse et aucune trace de lumière même la plus infime ou fugace ne parvient à traverser ce caveau aux allures de bathyscaphe s’abîmant peu à peu dans les profondeurs d’une fosse marine. L’identité des musiciens reclus sous le nom de Nathr fournit un indice précieux tant sur la forme que sur le fond de ce premier signe de mort. Au commencement, on trouve Nathas et Northr, plus tard rejoint par le batteur Ond, soit trois membres de Funeral Harvest, entité culte qui incarne, malgré ses racines internationales, le renouveau de la chapelle black norvégienne. La forme se veut donc macabre, glaciale et dépouillée à l’extrême, le fond enraciné dans la terre qui l’a vu naître puisque Beinarúga ouvre les portes funéraires de Nidaros, l’ancienne capitale viking située à l’emplacement de l’actuel Trondheim dont est originaire le projet. Cette référence païenne ne doit toutefois pas vous égarer, Nathr ne noue bien sûr aucun lien avec une quelconque mouvance folklorique, aussi sombre soit-elle.  De ce passé lointain perdu dans l’obscurité des temps, le trio ravive des spectres lugubres drapés dans un suaire funèbre et rocailleux. Quatre plaintes remplissent cet opus figé dans une nuit hivernale et sans fin. La première d’entre-elles, qui lui donne son titre, épouse les traits à la fois squelettiques et brumeux d’une  reptation désolée et minimaliste qui semble ne jamais vouloir mourir, long râle de désespoir auquel les nappes fantomatiques qu’égrène Nordhr confèrent une langueur mortifère. Plus ramassés et fermés par des contours flous, les trois autres morceaux sont taillés dans le même boyau, comme les marches successives menant à une tombe souterraine. Sentencieux, ‘Tenebra Mundi’ a quelque chose d’une longue errance dans un corridor dont l’opacité paraît cacher d’inquiétantes silhouettes alors que ‘Into The Void’ et Vado Mori’ sont hantés par des psalmodies incantatoires. Tertre d’un black doom funèbre et glaciale, Beinarúga ne souffre pas de sa (trop) courte durée, esquissant déjà l’univers aussi rocailleux que fantomatique de Nathr et un potentiel  ruisselant des abîmes de sa sinistre intimité. (14.04.2021 | LHN) ⍖⍖⍖

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