23 novembre 2021

CinéZone | Robert Aldrich - L'ultimatum des trois mercenaires (1977)




Il est de coutume de résumer de façon peu aimable la fin de carrière de Robert Aldrich. Il est vrai que ni Bande de flics (1977) ni Un rabbin au Far West (1979) ni Deux filles sur le tapis (1981) ne sont des réussites impérissables. Même les deux films qu'il tournent avec Burt Reynolds, Plein la gueule (1974) et La cité des dangers (1975), au demeurant sympathiques, ne peuvent soutenir la comparaison avec En quatrième vitesse (1955) ou Les douze salopards (1967). Coincé au milieu de ces dernières bobines de morne mémoire, il est fréquent de condamner également L'ultimatum des trois mercenaires. Mutilé, amputé de 30 à soixante minutes selon les pays, son échec commercial ne joue pas, il est vrai, en sa faveur. Il mérite pourtant franchement d'être (re)découvert et d'être jugé à sa juste mesure. 

En 1976, Aldrich n'est plus depuis longtemps en odeur de sainteté à Hollywood. Sans grands moyens (le résultat s'en ressent un peu), il réalise en Allemagne cet Ultimatum des trois mercenaires, traduction française débile qui trahit le beau titre original (La dernière lueur du crépuscule). Cette différence entre les deux titres illustre parfaitement le gouffre qui existe entre ce que les distributeurs ont voulu en faire, un banal spectacle d'action et le pamphlet de politique-fiction imaginé par le metteur en scène. Pour adapter le roman de Walter Wager (Un espion de trop), "Viper 3", il recrute une poignée de vétérans qui ne coûtent donc pas trop cher. Burt Lancaster, toujours en haut de l'affiche (Scorpio, Violence et passion ou 1900 en témoignent), qui retrouve pour la quatrième et dernière fois Aldrich et autour duquel la production se monte, est accompagné de Richard Widmark, Joseph Cotten, Melvyn Douglas et Charles McGraw, ce qui peut donner l'image d'un film vieillissant. Mais c'est oublier Charles Durning, acteur par trop sous-estimé, excellent dans la peau du président des Etats-Unis, auquel il confère une espèce de bonhommie fébrile teintée d'homosexualité. 

Homme de gauche, comme Widmark, Lancaster ne pouvait refuser le rôle de cet ancien général de US Air Force qui s'empare d'une base nucléaire pour faire chanter le gouvernement et imposer au président la révélation au peuple américain d'un rapport accablant sur les agissements des Etats-Unis durant la guerre du Vietnam. Par son sujet, Twilight's Last Gleaming se rattache à la fois aux films dénonçant le péril atomique en pleine Guerre Froide (Sept jours en mai, Dr Folamour, Point limite, Aux postes de combat) et à la fibre paranoïaque des années 70, accréditant déjà l'existence d'un état profond qui voit l'armée tirer les ficelles et ne pas hésiter à sacrifier le présidant lui-même ! Dressant un portrait extrêmement noir et désespéré de la politique américaine, ciblant autant le Pentagone que l'Eglise ou la Maison Blanche, le film ne fait pas dans la demi mesure et l'image qu'il renvoie des USA n'est sans doute pas celle que les spectateurs voulaient voir.  De là aussi son échec, qu'explique en outre le caractère bavard de scènes circonscrites au Bureau Ovale et à la salle de contrôle du Silo 3. 

Mais, truffé de caméras et d'écrans, L'ultimatum des trois mercenaires tient néanmoins en haleine durant presque deux heures trente tandis que la longue séquence de l'exécution (ratée) de l'opération Or nous rappelle quel grand réalisateur demeure alors Robert Aldrich, lequel utilise avec intelligence et efficacité la technique du splitscreen, immortalisée par L'étrangleur de Boston (1968). C'est donc un des grands films méconnus des années 70 et la dernière réalisation majeure de Robert Aldrich qui la tenait pour son œuvre préférée. (vu le 17.04.2021) ⍖⍖⍖



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