9 novembre 2021

CinéZone | Clint Eastwood - Cry Macho (2021)




Depuis Million Dollar Baby (2004) et plus encore depuis Gran Torino (2008), chaque nouvelle apparition de Clint Eastwood devant la caméra semble aussi vouloir être la dernière. Pourtant, le vieux maître n'a pas encore renoncé à ses premières amours et il continue donc, à intervalles irréguliers, à promener à l'écran sa carcasse et son visage de plus en plus parcheminé comme en 2012 avec Une nouvelle chance dont il a confié la mise en scène à son assistant Robert Lorenz puis surtout en 2018 avec La mule dont on a pu croire qu'il marquerait cette fois ses adieux définitifs. Contre toute attente, Eastwood décide pourtant après Le cas Richard Jewell (2019) de porter à nouveau ses deux casquettes d'acteur et de réalisateur en adaptant Cry Macho. Le livre de N. Richard Naish, publié en 1975 est taillé pour lui et on comprend pourquoi il s'y est intéressé dès 1988. Comme toujours à Hollywood, le projet suit un parcours tortueux, passant entre les mains de Roy Scheider puis de Arnold Schwarzenegger avant d'être définitivement confié à Clint. Road-movie initiatique aux allures de néo western, Cry Macho avait tout pour connaître le même succès que Gran Torino et La mule avec lesquels il partage le même scénariste Nick Schenk. Mais cette fois-ci la formule n'a pas fonctionné et le film reçoit des critiques extrêmement mitigées et ne rencontre pas son public. C'est pourtant du Eastwood pur jus, qui rumine les thèmes de la transmission, de la communauté recomposée, de la relation entre un homme d'âge mûr solitaire et déchu avec une personne plus jeune, obsessions qui traversent toute son œuvre de Breezy (1973) à Honkytonk Man (1982), de Un monde parfait (1993) à Million Dollar Baby  et bien sûr Gran Torino, mais trouvent malheureusement dans cette quarantième réalisation du dinosaure américain un fourreau plus mineur. Peu d'action ou de tension jalonnent ce périple paresseux à travers le Mexique où l'on assiste à l'affection naissante et improbable entre un cowboy usé et un ado rebelle. Cry Macho ne peut compter non plus sur de grands comédiens pour épauler un Clint à la démarche vacillante, (trop) vieillissant pour ce rôle auquel on ne croit guère. En outre, sa relation avec le jeune Edouardo Minett ne possède pas la complicité qui l'unissait à Hilary Swank dans Million Dollar Baby ou à Amy Adams dans Une nouvelle chance. Certes modeste, Cry Macho n'est toutefois pas sans exposer de belles qualités. Par la seule présence de Clint, il dégage plus de charme que Le cas Richard Jewell ou Le 15h17 pour Paris qui demeure son travail le plus faible. De plus, le maître ne se montre jamais aussi touchant qu'avec un matériau simple entre les mains, loin des pesants pavés tels Invictus (2009) ou J. Edgar (2011). Mais il est vrai que le métrage réussit mieux lorsqu'il stationne longuement dans le petit village où se nouent amitié et histoire d'amour autour de la transmission d'un savoir-faire (le débourrage des chevaux sauvages) que lorsqu'il taille la route. Ces scènes offrent alors au directeur de la photographie Ben Davis un écrin quasi pictural, opposant des extérieurs poussiéreux à des intérieurs toujours tamisés de lumières discrètes et chaleureuses diffusées par des lampes et des bougies. A ce titre, la séquence très symbolique de la chapelle est plastiquement très belle, sanctuaire où se découpe le corps de Clint, étendu comme un gisant, les doigts repliés comme les cerfs d'un oiseau. Sa voix si caractéristique passent du murmure aux râles caverneux. Il semble alors ne plus être de ce monde, momie ressassant sur son lit de mort de douloureux souvenirs. De fait, Cry Macho vaut surtout d'être vu pour Eastwood lui-même qui n'a de cesse depuis au moins Le maître de guerre (1986) de témoigner de son vieillissement avec un masochisme narcissique. Aujourd'hui âgé de 91 ans, il n'est plus seulement un vieil homme fripé mais un fantôme. Stetson vissé sur la tête, il porte encore beau cependant, toujours capable de distribuer un coup de poing et de monter à cheval. Et c'est avec un mélange de tristesse et d'admiration que nous suivons sa silhouette hésitante, presque désincarnée, persuadés cette fois-ci que Clint signe là pour de bon ses adieux devant la caméra. Plus que par son traitement tranquille, Cry Macho se justifie ainsi pour Eastwood et la réflexion qu'il nourrit sur son personnage cinématographique et sa légende. Le coq (qui fournit aussi des moments très amusants) fonctionne comme une métaphore : les temps ne sont plus pour les durs, les machos. Les faiblesses et tout simplement l'humanité ne sont plus enfouies mais valorisées. A l'image de cette tendre clarté qui se lit dans le regard de Clint désormais moins plissé, moins meurtrier. Œuvre évidemment moins puissante que Gran Torino ou même La mule, nous ne saurions en définitive pourtant bouder notre plaisir face à Cry Macho, ne serait-ce parce qu'il est une démonstration de vie de la part d'un homme dont on sait que sa fin se rapproche de plus en plus...  (vu le 31.10.2021) ⍖⍖⍖




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