Quand Endless Flood s'accouple avec Greyfell, ça donne Age | Total, collectif qu'on devine aussi étrange que précieux. Eu égard à ces talents au carré, comment pouvait-il d'ailleurs en être autrement ? Si le pedigree plutôt costaud de ses géniteurs suggère un fruit lourd et épais, né de leurs homériques ébats, celui-ci ne suffit pas à définir un art en vérité bien plus protéiforme. Alors oui, c'est du pesant, du heavy, du qui peut faire trembler les murs. Mais pas que. En fait, il faut oublier les origines de cet ensemble d'une dizaine de musiciens qui n'ont d'autre intérêt que de garantir la haute valeur ajoutée du projet. Car le plus important se niche dans l'intimité de cette musique éprise d'Absolu dont les créateurs paraissent ne s'être imposés aucunes limites. Masculin ou féminin, le chant plonge dans une vaste palette, guitares, basse et batteries (au pluriel) se frottent à des synthétiseurs, des samples mais aussi - et c'est plus surprenant - à un violon et même à un trombone ! Ca sent bon le happening sonore mais réussit pourtant à ne jamais perdre de vue une certaine cohérence. De même, la durée des titres (parfois dans les quinze minutes !) pourrait laisser craindre un fracas expérimental et complexe, il n'en est pourtant rien et c'est un flot de lumière qui jaillit de ce magma bouillonnant. Bref, Age | Total n'est jamais ce qu'il a l'air d'être, lunaire quand on le croit plombé, presque bruitiste quand il devrait se mouvoir dans de brumeuses atmosphères. Entre doom aventureux, ambient stellaire et progressif éthérée, la meilleure façon de rendre hommage à ce projet collaboratif se résume encore à s'enfoncer dans ses intrigantes arcanes. Cassette quatre pistes éditée par SOZA et évidemment déjà épuisée, la chose s'offre à nous par le biais d'une belle illustration où sur une nuit étoilée se détache le vestige d'une double porte planté dans un sol aride. Deux monumentales sentinelles bordent l'écoute, 'Armure' et 'The Songbird', la première véritable épopée fantastique et pulsative aux allures de lente élévation, accrochant peu à peu à un post rock intimiste de lourds aplats tandis que des effluves spatiales viennent draper ce Stonehenge évolutif qui nécessite nombre d'écoutes pour en déterrer tous les trésors, pour en goûter toutes les saveurs, la seconde, à l'autre bout, plus avant-gardiste et audacieuse encore mais qui semble répondre à sa devancière, ouvrant toute d'abord les vannes d'un orage déglingué avant de mêler délicatesse et furie percussive. Entre les deux, se succèdent 'Carré', courte pièce stridente rongée par des machines, puis 'Metal', pulsation démentielle, aérienne et tellurique, tout ensemble et dont la conclusion emportée par des rouleaux de batterie confine à l'orgasme cosmique. Témoignant de l'effervescence dont la scène doom (au sens large) française est le théâtre, Age | Total livre un étonnant voyage dans des contrées heavy et atmosphériques, expérimentales et furieusement progressives. En espérant que ce premier jet ne se limite pas à un one-shot aussi foisonnant soit-il car on se prend à rêver à des collaborations futures où tout pourrait survenir... (07.04.2021 | LHN) ⍖⍖⍖
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