C'est dans une imposante box en bois qu'est glissé le digipack au format A5 d'Autre temps, entre tee-shirt, mediator, encens et pierre détachée d'une église en ruine. L'ouverture de cette boîte aux allures de trésor, suscite émerveillement et appelle au recueillement. A l'image du magma sonore dont elle est le fourreau aussi noble que précieux. Sombre Présage n'est pas vraiment une question de raison mais de foi. De ressenti. S'il n'est bien entendu nullement nécessaire d'être originaire de la région lyonnaise, berceau de Voxum, son âme solitaire, pour être happé par son art néanmoins, ceux qui connaissent intimement cette cité et ses alentours qu'imprègne un catholicisme très particulier, sombre et sévère, seront encore mieux à même de cerner l'essence de Sombre Présage, entité elle aussi toute aussi singulière en cela qu'elle répand un suaire sinistre aux confins du black metal, par sa dimension rituelle et sa spiritualité austère mais aussi du dark ambient lugubre voire d'un drone granitique. Sa force souterraine impose une écoute au casque dans un lieu grignoté par les ténèbres. Seul, dans des conditions presque carcérales, au sens d'une cellule monastique. Elle n'autorise pas davantage une immersion distraite sinon éparpillée. Il y a quelque chose d'une exigence dans ces plaintes doloristes, dans cette liturgie ferrugineuse. Sombre Présage se mérite. Il en a toujours été ainsi et plus encore avec le successeur du Chant des morts.
Cinq plages aussi hermétiques que désincarnées le composent, qui semblent toutes avoir été capturées entre les murs d'une église abandonnée. Autre temps pourrait ainsi sonner comme une invite à la méditation ; il n'est en réalité qu'effroi et désespoir, vibrant d'une sourde noirceur. Aucune majesté ne filtre à travers ses pierres, hormis durant les quinze minutes pendant lesquelles 'Perdus' gronde d'un souffle hanté, messe pulsative qui résonne comme les ultimes battements de cœur. S'abîmer dans la brume polluée de cet halètement mortifère confine à une forme de transe funeste qui n'est donc pas sans une beauté lointaine. Ce quart d'heure tient lieu d'épicentre sombrement contemplatif d'un ensemble tour à tour oppressant ('Autre temps' et ses concrétions quasi stridentes) ou fantomatique ('Oubliés'), exhalant un écho funèbre ('Aveugles') ou parasité par des miasmes grésillantes ('Qui nous sommes'). Mais comme souvent avec les musiques ambient, les mots se fracassent contre une masse sonore qui de fait échappe à toute tentative de description. Funéraire et nécrotique, hanté et immersif, Autre temps s'écoute moins qu'il se vit, se ressent, bande-son mortuaire empreinte d'une religiosité séculaire, enraciné dans notre patrimoine et notre inconscient. (16.03.2021 | LHN) ⍖⍖⍖
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