Quand un groupe choisit de se baptiser Salò, il ne peut évidemment échapper à la référence avec le film de Pier Paolo Pasolini, Salò ou les 120 journées de Sodome, objet culte des années 70 (mais pas que) qui a fortement marqué la rétine des cinéphiles. Les salles obscures ne sont d'ailleurs jamais bien loin de Sortez vos morts, son premier crachat de fiel et de sang, entre les samples échappés du Seul contre tous de Gaspard Noé ou du Prix du danger de Yves Boisset et l'atmosphère nocturne et crapoteuse qui le poisse comme dans une bobine belge ou un polar urbain français des années 80. Le décor est posé, malsain et assurément brutal, épais comme une marée noire charriant une radicale négativité. Bon mais, Salò, c'est quoi ? On parle là du nouveau réservoir bruitiste de Damien Luce (HKY) dont on identifie le ressac froid et perturbant des machines et claviers ainsi que l'appétence pour des sonorités aussi violentes qu'atrabilaires. A ses côtés, trois autres énervés se partagent chant et basse (HCT), guitare (AVS) et batterie (NGH). Publié conjointement par Cold Dark Matter (le propre label de Damien), Coups de couteau (pour la version CD) et Duality Records (pour la tape), cet acte de mort débarque avec l'étiquette blackened crust sur le coin de la gueule.
S'il est vrai qu'il puise dans le premier ces morsures primaires et glaciales en même temps qu'une noirceur vénéneuse et dans le second, le bouillonnement crasseux et des allures de manifeste anarchiste, Sortez vos morts n'autorise en fait l'appartenance à aucun style bien défini. Qu'importe car l'essentiel se niche finalement ailleurs, dans ce magma bitumeux qui prolifère dans les tranchées souillées d'un terrain vague, perdu au milieu d'une banlieue lépreuse. Passée les préliminaires ('La morale c'est çà'), la défloration de ce EP file très vite, grondant d'une énergie épidermique. Enracinées dans une urbanité visqueuse et polluée, ces saillies crachent leurs tripes sur la table, poussée par une voix hargneuse aux relents tenaces de Gitane Maïs et de Villageoise. Nauséeux et définitif, cet opus a certes quelque chose d'un souterrain infâme et humide que ronge l'urine de la folie mais dans les remplis obscurs de son intimité suintent sinon des mélodies au moins des accroches entêtantes ('Sans toit ni loi') cependant que les fissures qui écartèlent 'Sans gêne ni haine' ou 'Sonnez la curée' vomissent un jus explosif qui donne envie de se fracasser la tête contre les murs. Et au final, tout cela parait moins méchant qu'il n'en a l'air. Ce qui n'exonère Sortez vos morts ni de sa férocité corrosive et prolifératrice ni de sa croûte fiévreuse. 26 minutes c'est maigre mais suffisant pour mesurer le potentiel de la bestiole et laisser dans la bouche un goût de reviens-y ! (09.03.2021 | LHN) ⍖⍖⍖
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire