6 septembre 2021

KröniK | Junon - The Shadows Lengthen (2021)




Après seize ans de bons et brutaux services, General Lee en a surpris plus d'un en se sabordant dans le sillage du pourtant solide Knives Out Everybody !. Et contre toute attente, alors que nous pensions que ses anciens membres vaqueraient à de nouveaux projets respectifs, le groupe renait finalement de ses cendres, non pas sous le nom qu'on lui connaissait mais sous celui de Junon, manière de tendre un pont évident avec le passé puisqu’il se réfère à une chanson figurant sur The Sinister Menace (2003), l'acte de naissance discographique de General Lee. N'allez cependant pas croire que la distinction entre les deux groupes se résume à ce changement d'état civil. Certes, Junon convoque l'intégralité du line-up de son ainé. Certes, le mur de (trois) guitares se dresse à nouveau. Certes la griffe des Nordistes demeure reconnaissable et la musique de Junon n'est pas si différente de celle forgée par son prédécesseur, comme nous le laisse tout d'abord croire 'Sorcerer' aux noueuses racines (post) hardcore. 




Mais en quatre pistes, The Shadows Lenghten n'en esquisse pas moins une évolution en polissant quelque peu le son du sextet, en l'aérant timidement, ce qui est palpable sur 'Carcosa', dont la force trapue ne grève en rien son élan atmosphérique. Et que dire du terminal 'The Bleeding' qui dévoile sous une carapace tendue et hargneuse une source puissamment extatique au travers d'une partie centrale déchirante de beauté. Affichant des traits post rock plus appuyés que General Lee, Junon ne sacrifie toutefois jamais l'énergie rocailleuse au profit d'une palette plus douce. De fait, The Shadows Lenghten a quelque chose d'une masse grondante, bloc de matière brute à la fois féroce et dramatique, plombé et accrocheur. Dans ce clair-obscur, entre la paroi rugueuse du hardcore et les lueurs désespérées du post rock, se niche l'identité de cette (pas si) nouvelle entité dont la parfaite maîtrise associée à une vision précise de ce qu'elle doit exprimer trahit l'incontestable métier de ses auteurs. Là réside l'assurance de cette obole vierge de toute maladresse ou hésitation qui, tout en s'enracinant dans le substrat puissant édifié par les albums de General Lee, laisse déjà entrevoir une expression plus sophistiquée sinon plus nuancée voire plus évolutive. S'ils redémarrent de zéro, les Français accouchent d'un galop d'essai dont l'évident potentiel ne demande qu'à s'extraire de sa gangue abrasive, détenteurs d'un univers tant sonore que conceptuel déjà prégnant. (13.03.2021 | MW) ⍖⍖

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