27 septembre 2021

KröniK | Bræ - A Thousand Ways To End It All (2021)




Si, dans le black metal, voir des goules cultiver l'anonymat en masquant l'identité du ou des musiciens planqués derrière ne surprend plus personne depuis fort longtemps, Bræ franchit néanmoins incontestablement une étape en repoussant encore un peu plus les limites de l'opacité. Ni nom ni photo donc, pas même de site internet ou une quelconque information quant à l'origine géographique de la chose. Tout est gommé, renforçant l'impression d'avoir à faire à une créature énigmatique, recluse au fond d'une cave où elle a certainement gravé A Thousand Ways To End It All. Ce faisant, l'entité parvient encore mieux que d'autres à renouer avec l'essence cryptique de l'art noir originel tel qu'il aurait toujours dû rester, loin de la lumière, à capter l'esprit malsain qui guidait les Grands Anciens, à une époque, lointaine désormais, où le genre foutait encore les jetons. En vérité, que l'on ne sache rien au sujet de Bræ n'est pas très important même si le mystère qui l'entoure participe d'une aura qui évidemment ne tardera pas à muter en un culte comme le black metal en raffole. Ne reste donc plus que le contenu de ce premier méfait, pour le moment uniquement édité en vinyle par Amor Fati Productions. Mais en cassette, ça aurait très bien été aussi. Et la musique ici ruminée est à l'avenant de cette signature brumeuse, repoussant là aussi les limites de l'audible, du son pollué, du tempo qui ne file jamais droit, du hurlement de gargouille et de l'accordage dissonant. Rongé par une lèpre rouillée, le résultat se veut tellement cru, tellement macabre, tellement glacial qu'il pourrait avoir vu la nuit dans un caveau lusitanien ou une grotte de Bosnie-Herzégovine. C'est dire le degré de pourrissement morbide et de désolation misanthropique atteint par A Thousand Ways To End It All qui sonne tout du long comme un 33 tours qui n'est pas passé à la bonne vitesse. Ou comme une cassette avalée par une platine audio dont les courroies sont gravement détendues. Vous voyez le genre. Deux longues ruminations d'une vingtaine de minutes chacune macèrent dans son antre, formant les deux parties successives d'un derelict mortifère et evil sombrant peu à peu dans la marée noire d'une démence corrosive. Une voix meurtri venant des profondeurs de la Moria, tellement déformée qu'elle en parait inhumaine, résonne comme un écho funèbre survolant un charnier lancinant, aux artères décharnées. Mises bout à bout, ces deux plaintes paraissent interminables et horriblement répétitives. Indivisible, l'ensemble ne se répand que durant quarante minutes mais pourrait aussi bien en faire le double. Pourtant cette monotonie cadavérique couplée à des aplats sinistres et ambient confine à une espèce de transe d'une hypnotique négativité. Effroyable dans son expression écorchée et solitaire, A Thousand Ways To End It All rampe dans les boyaux de l'indicible et s'impose comme ce que le black metal a enfanté de plus obscur depuis (trop) longtemps ! (22.03.2021 | LHN) ⍖⍖⍖

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