Producteur de quelques oeuvres majeures du cinéma américain des années 60, telles que Le prisonnier d'Alcatraz (1962) de John Frankenheimer, Que le meilleur l'emporte (1965) de Franklin J. Schaffner ou Little Big Man (1969 d'Arthur Penn, Stuart Millar ne signera que deux films en tant que metteur en scène, Quand meurent les légendes en 1972 puis Une bible et un fusil trois ans plus tard. Si le second demeure dans toutes les mémoires, notamment parce qu'il réunit John Wayne et Katharine Hepburn pour un duo aussi savoureux qu'improbable, le premier, plus méconnu, se révèle pourtant bien plus intéressant. Bien que le résultat ne se montre sans doute pas à la hauteur de son beau sujet, la faute à une réalisation qui manque de nerf et de personnalité, le film est un émouvant et crépusculaire western moderne qui questionne sur la vie des Indiens égarés dans l'Amérique contemporaine. A bord d'un pick-up GMC fatigué, un vieux cowboy et un jeune Indien qu'il a pris sous son aile, sillonnent les routes du Colorado pour participer à des rodéos, embarquant un road movie tranquille et initiatique. Certes classique, le thème de la transmission entre un ancien et un plus jeune qui apprend le métier et tout simplement la vie, fournit de magnifiques moments intimes entre Richard Widmark et Frederic Forrest, qui n'est pourtant ni indien ni suffisamment jeune pour le rôle. Pour Thomas, l'orphelin, Red devient le père qu'il n'a pas eu et quand il jette à l'eau la selle de son mentor, c'est une manière pour lui de couper le cordon avec une figure paternelle de plus en plus encombrante. Millar a le bon goût d'éviter le sirop et le pathos, filmant la mort de Dillon avec une épure bienvenue sans effusion lacrymale. Avec peu, il en dit beaucoup sur le sentiment de ce peuple déclassé, comme quand il scrute le regard sombre de son jeune héros lorsque résonne l'hymne américain. Le film tire bien entendu toute sa force de la performance de Richard Widmark, le visage strié de rides, parfait en cowboy ivrogne et magouilleur, quasi clochard de surcroit. Après les décevants A Talent For Loving, Une poignée de plomb et La guerre des bootleggers, l'acteur habite enfin à nouveau un personnage à sa mesure. Ce sera la dernière fois. Malgré quelques temps morts, Quand meurent les légendes s'impose comme un western moderne et automnal qui mérite d'être (re)découvert, ultime feu d'un genre usé comme des semelles de botte, mort sous les coups d'une démythification parvenue à son stade terminal. (vu le 06.03.2021) ⍖⍖⍖
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