25 août 2021

KröniK | Eyehategod - A History Of Nomadic Behavior (2021)




Eyehategod est un nom qui reste toujours sur les lèvres lorsqu'il s'agit d'évoquer le sludge doom de l'oncle Sam (ou pas). Cela fait plus de trente ans que les Américains ramonent les orifices chargés en gros son, velu et crapoteux, il va sans dire. Eternelle mamelle que tètent Phil Anselmo et toute la clique de bûcherons énervés comme lui, Eyehategod est pourtant presque plus connu que sa musique. Il faut dire que celui-ci dévide depuis toujours un répertoire franchement foutraque et difficile à suivre, jonché d'albums longue durée (un peu) et d'EPs et autres splits (beaucoup). La vie chaotique de Mike Williams, son chanteur et (quasi) dernier membre historique avec le guitariste Jimmy Bower (Down, Superjoint Ritual), ne facilite pas, il est vrai, une carrière aux traits meurtris. Mais sans lui, Eyehategod ne serait pas ce qu'il est (devenu), dépendant beaucoup de la santé, mentale ou non, de celui qui en incarne l'âme nihiliste. Sept ans après un cinquième effort éponyme, A History Of Nomadic Behavior nous apprend que Williams ne va toujours pas mieux et nous rassure quant à la vitalité d'un groupe qui ne semble pas prêt de remiser au placard sa rage bitumeuse. S'il y aura bien quelques grincheux pour regretter que les Américains arborent un visage bien moins agressif, moins déformé par la haine, qu'à leurs débuts, ce nouveau crachat n'a pourtant rien d'une aimable sucrerie, véritable concentré de négativité visqueuse qui colle aux murs, hurlant avec largesse de larsens et de ruminations biberonnées au Destop. 



Nonobstant quelques éruptions très punk dans l'âme ('The Outer Banks'), ce sixième album est prisonnier d'une gangue de mazout ('High Risk Trigger', 'Circle Of Nerves') qui le cloue au sol. Mais ce tempo ultra heavy ne masque jamais le caractère franchement déglingué de ces pulsations aussi trapues que bourrues, lesquelles aiment tricoter des instants pétrifiés au bord d'un puits de vase sans fond, à l'image de ce 'Current Situation' au final bruitiste. Aucune trace de lumière ni d'espoir et encore moins de beauté ne filtre de ce bloc de matière brute austère que secoue une rythmique robuste et que lacère la guitare de Jimmy Bower, pissant le cambouis par toutes les notes. Seul le court et salvateur instrumental jazzy 'Smoker's Piece' tempère fugacement cette décharge de fiel et de noirceur chaotique. En dépit de sa durée ramassée, A History Of Nomadic Behavior nous lessive, nous remue les tripes à la manière d'une coloscopie un peu rude. On sort de cette défloration totalement vidé, à genoux et néanmoins prêt à tendre déjà la joue gauche et à ouvrir la bouche pour sucer de nouveau sa venimeuse et précieuse hostie. Eyehategod se montre suffisamment avare de sa semence pour qu'on accueille comme il le mérite son retour aux affaires, moins frontalement brutal que jadis mais toujours aussi apocalyptique, révélateur en cela de la vision désespérée que son chanteur et parolier nous renvoie d'un monde actuel plus que jamais au bord de l'explosion... (06.03.2021 | MW) ⍖⍖

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