Objet généralement mal aimé, l’EP ne sert souvent qu'à diffuser des titres restés sur le carreau ou à faire patienter les fans entre deux véritables albums. Tel n'est pas le cas de Cult Of Luna pour qui ce format étriqué revêt un rôle particulier, celui de compléter le disque qui le précède. Ce fut ainsi la fonction réservée à Vertikal II, excroissance du disque du même nom avec lequel il forme un ensemble cohérent. Il en va de même de The Raging River qui parachève le paradigme sonore développé par A Dawn To Fear en 2019. De toute façon, connaissant leur inoxydable exigence couplée à une intelligence aussi accrue que visionnaire, les Suédois ne peuvent se contenter de produits fabriqués à la va-vite pour boucher les trous. Depuis toujours, ils mènent une carrière éprise de liberté qui les voit progresser, expérimenter et refuser d'être inféodés à quelques règles que ce soit. La création de leur propre label, Red Creek, affirme encore avantage ce besoin impérieux sinon vital d'autonomie artistique et de contrôle d'une œuvre qui ne peut s'épanouir qu'en dehors de tout carcan. Bloc que remplissent cinq titres pour une durée totale de trente minutes, The Raging River n'en est donc pas moins indispensable.
Il fournit déjà une des compositions parmi les plus jouissives jamais enfantées par les Suédois, un 'Wave After Wave' robuste et immersif dont la lenteur hypnotique confine à un ressac pulsatif. Mais Cult Of Luna n'oublie pas de nous surprendre, d'expérimenter, comme il le fait au détour de 'Inside Of A Dream' qui embarque Mark Lanegan pour une dérive osseuse aux couleurs aussi intimistes que tragiques, offrant alors au chanteur de Screaming Trees le fourreau rêvé pour sa voix puissamment émotionnelle au point de nous laisser croire que, durant cette courte respiration, nous avons changé de disque tant ses hôtes y apparaissent en retrait, cherchant à capter l'univers décharné et mélancolique de l'Américain. L'émotion est d'ailleurs le maître-mot de cet opuscule que domine le principal architecte du son du groupe, Johannes Persson. Râpeux et minéral, son chant gronde de la force noire du désespoir ('Three Bridges'). L'homme n'étouffe pour autant jamais ses comparses, rappelant que Cult Of Luna s'est toujours construit autour d'un ensemble, comme l'illustre la manière dont le magma ferrugineux des guitares s'accouple à de désincarnées nappes électroniques sur fond de rouleaux de percussions ('What I Leave Behind'). EP peut-être, The Raging River complète avec le brio coutumier de ses géniteurs A Dawn To Fear, création à part entière qui voit Cult Of Luna travailler inlassablement son art, sévère et hypnotique. (07.03.2021 | MW) ⍖⍖⍖
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