Ne dites jamais adieu aurait dû porter la signature de Douglas Sirk qui le prépara et enrôla sa compatriote Cornell Borchers. Mais, ne pouvant se libérer du tournage de Ecrit sur du vent, la mise en scène fut finalement confiée à Jerry Hopper. Sirk assura néanmoins quelques scènes à la demande express de son ami George Sanders. S'il est évident que le film aurait affiché une autre ampleur sous la houlette du maître du mélo flamboyant hollywoodien, force est de reconnaître que Hopper, pourtant éloigné de l'univers nerveux des séries B qui a fait sa (petite) renommée, du Triomphe de Buffalo Bill (1953) au Secret des Incas (1954), tous les deux animés par Charlton Heston, sans oublier le polar Alibi meurtrier (1954) avec Sterling Hayden, n'a pas trop à rougir de la comparaison avec son aîné. Epaulé par l'équipe technique de la Universal, il offre une oeuvre plastiquement raffinée. Certaines séquences d'intérieur nichées au sein de la partie européenne témoignent d'un grand travail en terme de lumière, notamment celle où Michael (Rock Hudson), qui vient de retrouver Lisa (Cornell Borchers) dans un club, est plongé dans l'ombre trahissant sa jalousie. Inspiré de Notre cher amour (1945) de William Dieterle, lui-même adapté d'une pièce de théâtre de Luigi Pirandello, Ne dites jamais adieu, qu'il ne faut pas confondre avec le film du même nom réalisé par James V. Kern en 1946 avec Errol Flynn et Eleanor Parker, n'en est pas moins quelque peu décevant. Divisé en deux segments d'une inégale valeur tant dans le fond que dans la forme, le métrage confronte le passé, évoluant dans le décor tortueux et fantasmé de l'Europe de l'après-guerre et le présent d'une Amérique pavillonnaire lumineuse. D'une noble force dramatique, la première n'est pas sans évoquer Le temps d'aimer et le temps de mourir que Sirk réalisera deux ans plus tard mais la seconde s'enlise dans un dénouement attendu. La principale faiblesse du film réside dans l'interprétation inexpressive de Rock Hudson, chez qui on peine à deviner la passion qui le ronge si ce n'est la jalousie. En quelques répliques, George Sanders lui vole incontestablement la vedette alors que l'actrice allemande, traduit bien les peurs de son personnage égaré dans cette Amérique qu'elle ne connait pas et devant se faire accepter de sa fille qui ne l'a presque jamais connue. On notera au passage la fugace apparition de Clint Eastwood en laborantin à une époque où il multiplie les rôles minuscules et non crédités au générique. Quoique mineur, Ne dites jamais adieu demeure un beau mélodrame comme Hollywood savait les produire dans les années 50. (vu le 28.02.2021) ⍖⍖
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