10 août 2021

CinéZone | Aldo Lado - Le dernier train de la nuit (1975)




Si, à première vue, il s'inscrit dans le sillage crapoteux et racoleur de La dernière maison sur la gauche de Wes Craven (1972), Le dernier train de la nuit, également exploité sous le titre alternatif de La bête tue de sang-froid, n'en figure pas moins parmi les meilleurs rape & revenge italiens (ou pas). Plusieurs raisons l'expliquent. La première, la plus évidente, réside dans l'absence de limites que s'impose Aldo Lado (Je suis vivant, Qui l'a vue mourir ?). Décidément, les Italiens n'ont peur de rien, osent montrer l'indicible comme le prouvent la tension paroxysmique et la violence nauséeuse qui nous est jetée en pâture pendant près de  90 minutes, violence qui culmine lors de cet examen gynécologique un peu rude suivi d'une défloration au couteau qui aboutira sur la mort. Les deux-tiers du film semblent se diriger vers cette quasi mise à mort hallucinante qui, à l'époque, a fortement marqué les esprits, ce qu'elle continue d'ailleurs de faire même - et surtout - aujourd'hui ! Lado prend son temps pour parvenir à ce point culminant. Ainsi, Le dernier train de la nuit commence doucement, posant la caméra dans une ville allemande égayée par les fêtes de Noël. Mais déjà, l'irruption de deux voyous détroussant un père-noël, vient perturber cette quiétude festive. Toute la première partie du film fonctionne ainsi par petites touches pointillistes. Ces détails brisent l'ordre établi (la photo pornographique qui tombe du sac de Macha Méril dont elle dépareille l'image de bourgeoise coincée), caractérisent un personnage (l'harmonica joué par un des loubards qui, outre le fait qu'il fournit à Ennio Morricone un score dont il a le secret, servira à prévenir le spectateur de la menace induite par le drogué) ou dévoilent des jeunes filles parlant de sexe et de leur première fois, ce qui aura une grande importance pour la suite car l'une des deux, est encore vierge. L'atmosphère qui règne dans le train, dans les couloirs étroits, dans les toilettes, exsude une hypersexualité malsaine, qu'incarnent la trouble Macha Méril et sa sensualité vicieuse. La deuxième raison qui permet à L'Ultimo Treno Della Note de trôner au-dessus des autres bobines du même genre, glauque et dégueulasse, tient à sa maîtrise technique. On se doit de louer à la fois le montage habile entre les deux temporalités, celle du train et celle de la demeure du père de Lisa (Enrico Maria Salerno), le travail sur la lumière (la pénombre bleutée qui plonge le compartiment  où se déroule le viol des deux étudiantes dans une ambiance fantasmagorique) et la réalisation serrée de Aldo Lado qui use à merveille de l'étroitesse du décor fourni par le train (ce plan en plongée où l'on distingue le sang de Lisa s'écouler). La troisième et dernière raison repose sur le fait que Le dernier train de la nuit ne se borne pas à une simple mise en image d'une violence gratuite. En filigrane se dessine ainsi une dénonciation de la bourgeoisie perçue comme le véritable responsable de la violence qui secoue alors les sociétés occidentales, italienne au cas particulier. Le mal se cache moins dans la jeunesse, néanmoins velléitaire quand il s'agit de transgresser, que dans le comportement des notables. Blackie et Curly ne constituent que les instruments entre les mains de la mystérieuse dame du train qui, une fois sa voilette remontée, se transforme en femme d'une dangereuse perversité. C'est elle qui pousse les deux voyous à commettre l'innommable avant de les abandonner à la vengeance du père de Lisa. Lui-même, chirurgien réputé et établi, se mut en bête, n'hésitant pas à abattre de sang-froid les violeurs, ce qui est toujours jubilatoire. Citons également ce bon père de famille qui, rôdant dans le train, se fait tout d'abord voyeur avant de participer à l'agression des jeunes filles ! Contrairement à L'inspecteur Harry ou au Justicier dans la ville, œuvres ouvertement de droite, Le dernier train de la nuit est un film de gauche, ancré dans le contexte sanglant de l'Italie des années de plomb. C'est un film culte qui fascine et perturbe d'une force incroyable.  (vu le 19.02.2021) ⍖⍖⍖⍖





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire