Il y a des albums qu'on attend, dont on guette la sortie avec une impatience non feinte. Et puis il y a ceux qui viennent à nous un jour alors que le nom de leur auteur n'évoque rien mais qui finissent par nous habiter, nous hanter. Les plus belles surprises sont souvent celles que nous n'espérions pas. Tel est le cas de Abysses, second déambulation de Wÿntër Ärvn. Autant l'avouer de suite, ce projet nous était jusque là totalement inconnu. Pourtant, son nom aurait dû nous rappeler quelque chose puisqu'il s'agit de celui sous lequel évolue l'actuel guitariste de Aorlhac. Et alors que, une fois l'œuvre lancée et eu égard à cette filiation, nous nous attendions à entendre les enceintes cracher un bon vieux black metal, ce que confirmait la présence dans son menu d'une reprise de Xasthur (sur laquelle nous reviendrons), c'est en réalité une partition bien différente qui nous pénètre. Si art noir il y a, c'est celui, osseux et pastoral, du Ulver de Kveldssanger ou du Empyrium époque Where At Night The Wood Grouse Plays qui vient à l'esprit à l'écoute de ces plaintes acoustiques dont la sécheresse est empreinte d'une noble gravité. Bref, Wÿntër Ärvn baguenaude le long de cette sente boisée propice au recueillement et à la communion avec une nature que drape la triste beauté automnale, témoin ce 'Abysses' d'une épure bouleversante.
Au départ, entité solitaire, Wÿntër Ärvn s'est depuis enrichi du talent de Vittorio Sabellio (Dawn Of A Dark Age), musicien étonnant qui manie aussi bien la clarinette et le saxophone que la guitare ou le piano. A quatre mains, ces deux âmes ont enfanté le successeur de Au devant du gouffre, épaulés par de nombreux invités issus de la chapelle black metal hexagonale, venus distiller lignes de violon forestières ('Aux aurores') ou chœurs féminins poétiques ('Contemplation'). Aux accords squelettiques du maître des lieux viennent ainsi se greffer de surprenantes notes de clarinette pour un résultat moins sombre que sur le premier album, plus solaire sinon vespéral, à l'image du rêveur 'Sentiero Dell'Eternita' qui n'est pas sans rappeler un autre projet italien, Corde Oblique. Malgré son titre, Abysses invoque la douceur de paysages paisibles ('Nocturne III'), loin de l'agitation et de l'hystérie contemporaine et ce, quand bien même une noire solennité ourle ces complaintes aux allures de tendres sarabandes ('Aux aurores'). Les rares vocalises, au registre ténébreux, participent de cette obscurité diffue, comme l'illustrent 'Quand tombe le jour' et la relecture aussi magnifique qu'insolite du 'Walker Of Dissonant Worlds' de Xasthur (sur To Violate The Oblivious) dont le traitement acoustique l'insère admirablement dans ce merveilleux ensemble. D'une douce mélancolie, Abysses est un recueil contemplatif qui touche l'âme autant que le cœur, invite bucolique à une escapade solitaire. (10.01.2021 | LHN) ⍖⍖⍖
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