En guise de préambule, sachez que Therion n'intéressait plus votre serviteur depuis de longues années, insensible autant à Sitra Ahra (2010) qui n'apportait pas grand chose de neuf qu'aux Fleurs du mal (2012) et son lot de reprises de chansons françaises qui ne s'imposait vraiment pas, sans oublier le (trop) gargantuesque opéra rock Beloved Antichrist (2018) que nombreux estiment pourtant être un monument. Il aurait pu en aller de même de Levathian mais ce n'est pas le cas. Qu'est-ce que ce dix-septième album possède de plus (ou de moins peut-être) expliquant cette inattendue bienveillance de la part de votre chroniqueur resté bloqué sur Secret Of The Runes (2001) et le diptyque Lemuria / Sirius B (2004) ? Ce disque ne s'annonçait d'ailleurs pas nécessairement sous de bons auspices. Essoré par le travail titanesque que son prédécesseur lui a réclamé, Christopher Johnsson ne semblait pas prêt à se lancer rapidement dans une nouvelle aventure. Connaissant en outre les moyens mis en œuvre pour chacune de ses réalisations ainsi que son inoxydable perfectionnisme, il était permis de se demander comment le Suédois parviendrait à concrétiser un opus d'une démesure conforme à ses standards dans le difficile contexte sanitaire que nous connaissons actuellement. Trois ans après avoir enfanté un pavé comme Beloved Antichrist, le genre d'entreprise dont la plupart des musiciens ne se remettent pas de si tôt, le bougre réussit la gageure de lui offrir dans un délai raisonnable un successeur techniquement toujours aussi colossal dans son ampleur symphonique. Et quand on sait que Leviathan est conçu comme le premier pan d'une trilogie, on mesure combien Johnsson est loin d'avoir pressé tout le jus d'une inspiration qui semble intarissable.
Tout cela est bel et bien mais ne répond pas à la question énoncée plus haut. Et ce, d'autant plus que cette nouvelle livraison ne se démarque pas stylistiquement de ses ainées, écrin de ce metal orchestral dont Christopher ne se départira jamais et dont il demeure de toute façon le plus grandiose prescripteur. En fait la réponse est tout simplement à chercher dans le dessein même qui a présidé à sa conception. Ainsi, reconnu pour son ambition mégalomane, le Scandinave a souhaité cette fois-ci accoucher d'un ensemble aux allures d'hymne global et destiné à plaire aux fans. Comme il l'avoue lui-même, il a cherché ce qui faisait mouche dans ses chansons les plus appréciées pour en faire un album imparable. De cette volonté découle une œuvre qui étonne par sa simplicité (relative) et son accroche très rock. Onze titres se serrent dans un menu qui ne dépasse pas les trois quarts d'heure. Point de remplissage mais seulement ce que Therion sait faire de mieux comme une manière de florilège. De là cette impression de faire un délicieux bond dans le temps à l'époque de Lemuria / Sirius B ou de Gothic Kabbalah au sein desquels nombre de pistes pourraient se glisser, telles 'The Leaf On The Oak Of Far' qui amorce idéalement l'écoute, 'Eye Of Algol' ou 'Great Marquis Of Hell'. D'aucuns jugeront que Johansson a remisé son audace au profit d'une facilité couplée à un certain passéisme. Peut-être. Mais outre le fait que le bonhomme sait toujours composer de petits bijoux d'écriture ('Psalm Of Retribution' ou le nightwishien 'Tuonela') ou d'émotion à l'image de 'Die Wellen Der Zeit', belle respiration au souffle grandiose, nous préférons finalement le voir renouer avec cette forme de sobriété et ce goût pour les atours immédiats. Leviathan décevra sans doute les admirateurs du Therion le plus pharaonique quand d'autres lui reprocheront son air de déjà-entendu, mais en synthétisant l'essence du groupe il s'impose comme l'album le plus rafraichissant et naturel que celui-là ait élaboré depuis très longtemps. (09.01.2021 | MW) ⍖⍖
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