7 juin 2021

KröniK | Pallbearer - Forgotten Days (2020)




Pallbearer est un groupe qui aime prendre son temps - normal quand on pratique du doom, direz-vous. Et sans doute a-t-il raison d'être avare de sève, au vu du succès grandissant qui est le sien. Ainsi, depuis dix ans et quatre offrandes, les Américains érigent un ensemble à la fois plombé comme il se doit mais qu'une forme d'élégance racée a su extraire du simple microcosme doloriste, justifiant que le puissant Nuclear Blast l'ait repéré après deux premiers albums publiés par le vénérable mais plus modeste Profound Lore Records. En dépit de ce que son patronyme annonce (soit “le porteur de cercueil”), Pallbearer n'exécute pas un doom vraiment mortuaire, expression apathique à laquelle il préfère une approche plus dramatique qu'assommante, au style plus travaillé que monotone. En un mot, presque progressif. Plus les années passent et plus cette sophistication lumineuse affleure à la surface de compositions dont toute trace de joie demeure cependant éconduite. Mais, à l'affliction que le deuil, thème récurrent de son œuvre, impose, le groupe oppose au contraire un chemin borné d'un espoir aussi pâle soit-il. Forgotten Days marque une double confirmation. D'une part, il assure la domination du combo de l'Arkansas au sein du genre et surtout, il témoigne de ce glissement vers un art, techniquement quasi évolutif, émotionnellement plus salvateur. 



Pour autant, le quatuor ne renie pas une forme toujours aussi brute et rocailleuse comme l'illustre l'amorce qui donne son nom à ce quatrième opus, taillée dans une écorce épaisse typiquement doom. Ce titre très classique n'est d'ailleurs pas le meilleur du lot, laissant tout d'abord craindre non pas un faux-pas, au moins une création en deçà de ses formidables devancières. Mais demeurent toujours cette voix irradiante d'émotions et ces guitares belles comme un chat qui dort, coulées dans un baquet de goudron. Là réside notamment toute l'ambivalence de Pallbearer qui aime confronter des traits abrupts, comme englués dans un torrent de mazout, à une grâce atmosphérique et sertie d'une déchirante majesté. Progressivement, Forgotten Days fait son nid, expose ses multiples trésors tapis dans les plis ombreux de son intimité. 'Stasis' que garnissent des claviers aux teintes spatiales, le monumental 'Silver Wings' et ses douze minutes aux allures de douloureuse procession, 'Vengeance & Ruination', aussi râblé que bouleversant ou le final 'Caledonia' dont le parcours sinueux est plus que jamais éclairé par l'organe superbe de Joseph D. Rowland, prescripteur de cette tristesse néanmoins nimbée d'un faible espoir, jalonnent un menu pointilliste dont il faut déplier tous les pans à la manière d'un retable pour en cerner toute la richesse. D'un abord moins immédiat que ses aînés, cet album n'en résume pas moins à lui seul toute la singularité de ses auteurs dont le matériau hybride ainsi épaisseur caillouteuse et finesse d'exécution, inexorable affliction et lueur d'espérance dans un assemblage souvent resserré. D'essence progressive, Forgotten Days n'en reste pas moins creusé dans la roche d'un doom pur et dur, celui qui n'oublie jamais d'avoir une âme... (26.12.2020 | MW) ⍖⍖⍖

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