Alors que nous le pensions définitivement enterré, Hate Forest renaît de ses cendres quinze ans après avoir craché Sorrow, quatrième cri de haine dont la radicalité n'a jamais été dépassée depuis, même - et surtout - pas par Roman Saenko, son créateur. Bien sûr, rééditions diverses, démo exhumée (Temple Forest), compilation (Dead But Dreaming) et collaborations posthumes (avec Legion Of Doom puis Ildjarn) ont jonché ces dernières années mais ne pouvaient cacher la démarche intéressée de labels avides de jouir de l'aura culte d'un groupe à la réputation sulfureuse de part son appartenance, avérée ou pas, à la nébuleuse NSBM. Passée la surprise de voir l'Ukrainien redémarré le moteur haineux de ce qui reste historiquement son premier projet, il était cependant permis de s'interroger quant au bien fondé de cette résurrection, certes rêvée depuis longtemps, mais évidemment sujette à inquiétude. Saenko parviendrait-il à capter à nouveau ce qui faisait l'essence même d'Hate Forest, à savoir cette brutalité primaire et glaciale ? Alors que Windswept et surtout Precambrian siphonnent déjà la noirceur bestiale d'un art noir assez similaire, quel était donc l'intérêt pour le musicien de relancer le groupe ? Voici les questions que soulèvent ce Hour Of The Centaur que nous n'espérions pas ou plus. Que Roman l'ait quasiment gravé tout seul (à part la batterie, confiée à l'indéboulonnable Vlad), qui plus est en l'espace de quelques jours, en avril dernier, annonce un contenu brut et épidermique, sans artifices ni compromis. De la haine en tube. Selon une démarche à laquelle il ne se départira sans doute jamais, et c'est très bien ainsi, Saenko ne cède à aucun diktat commercial. Ni photos ni textes mais seulement du black metal à l'état pur. Tel qu'il aurait toujours dû rester. Dans le sillage de The Outlooker (Windswept), Geisslerlieder (Rattenfânger) et Tectonics (Precambrian), ce cinquième méfait sous la bannière de Hate Forest confirme déjà le regain de brutalité de l'Ukrainien dont les dernières offrandes avec Drudkh ont pu décevoir, troquant peu à peu la mélancolie automnale des débuts pour une expression plus complexe sinon alambiquée. Mais de quel bois de chauffe est d'ailleurs fait Hour Of The Centaur ? Reprend-il les choses là où Sorrow les a laissées ? Ou bien renoue-t-il avec la démesure abrupte de Purity ou les couleurs plus folkloriques voire nationalistes de Battlefields ? En réalité si comparaison il doit y avoir, c'est avec Tectonics qu'elle doit être faite. Même sentiment d'avoir à affronter un mur de négativité et de violence ininterrompu pendant près de quarante minutes. Même impression d'être emporté par un torrent de fiel aux allures de marée noire. La courte intro 'Occidental, Beware The Steppe', expédiée, 'Those Who Worship The Sun Bring The Night' déboule et arase tout sur son passage. Borborygmes caverneux et rythme métronomique imposent une intensité qui jamais ne débande tel un étau qui se ferme d'emblée. Les titres suivants sont sculptés dans le même bloc (énorme 'No stronghold Can Withstand This Malice'), érigeant une forteresse écrasante de noirceur. Mais comme souvent avec Saenko, une forme de tristesse suinte des replis de cette bestialité, témoin le second pan de 'Anxiously They Sleep In Tumuli' qui, en freinant le tempo, dresse une désespérée beauté, plus proche sans doute des grandes heures de Drudkh que de Hate Forest... Hour The Centaur porte l'incontestable griffe de son auteur, parfois belle à pleurer mais le plus souvent d'une férocité froide et autoritaire. Les fidèles du bonhomme ne seront ni dépaysés ni déçus même s'il y aura bien quelques grincheux ayatollahs pour estimer que Hate Forest échoue à capturer la malfaisance radicale qui le guidait jadis. Possible mais il n'en demeure pas moins qu'on sort totalement vidés, exsangues mais pleins du bonheur de revoir Roman Saenko galoper sur ces terres labourés par une glaciale animosité. Ce retour sera-t-il éphémère ou bien ouvre-t-il un nouveau chapitre dans l'histoire du groupe ? L'avenir nous le dira... (18.12.2020 | LHN) ⍖⍖⍖
Dead But Dreaming (2009)
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