Bovary, c'est le nom choisi par trois nanas soucieuses de cracher de leur panse et de leur âme tout le dégoût que le monde contemporain leur inspire, à raison. Cette référence à l'héroïne imaginée par Gustave Flaubert peut sembler curieux mais ne l'est pourtant pas tant que cela car celle-ci, personnage controversé pour son immoralité supposée, est au centre d'un roman désenchanté dont le réalisme dégraissé de tout romantisme ne semble pas s'opposer aux maux nourrissant le black metal. Mes racines dans le désert est le titre, tout aussi curieux, de la démo séminale enfantée par ce qui n'est alors qu'un trio composé de Queen Thrash au chant, Gwen de Bovary qui assure la rythmique basse/batterie et la guitariste Petri Tavn aujourd'hui seule survivante de cette formation historique. Editée en 2018 par Nar Productions, l'œuvre ne tarde pas à susciter l'intérêt des amoureux d'un certain art noir à la française, poétique et sordide, avec en sus, un bonne dose de remugles dépravés. Lui succède en septembre 2019 une seconde démo, Sur ce mur trop souillée.
En attendant, peut-être, un hypothétique premier album, le label Sanit Mils Records a le bon goût de rééditer la chose en vinyle. Manière de (re)découvrir cette obole trempé dans le suint nécrosé de la haine la plus viscérale. Car il faut entendre la chanteuse vomir son mal-être et son fiel sur une société qu'elle abhorre pour son matérialisme doublé d'un consumérisme criminel ('Ta vie c'est mes chiottes'). Guitare sale comme le sang menstruel et claviers maladifs sont à l'unisson de ce brouet nauséeux. Amesoeurs, Nocturnal Depression voire Peste Noire sont invoqués par ce black metal encroûté dans une urbanité lépreuse. Mais de cette écorce dégueulasse s'écoule un désespoir qui n'est pourtant pas sans beauté, ce dont témoignent les deux pistes essentiellement instrumentales qui bordent son menu, squelettique et presque ambient pour la première, rongé par une rouille pulsative et inexorable du plus bel effet, pour la seconde. Mais ne vous y tromper pas, "Mes racines dans le désert" reste frappé du sceau de la laideur la plus absolue. Sur 'Je ne serais plus là', la douceur décharnée des lignes de guitare, loin d'en sucer la moelle haineuse, ne fait que souligner la négativité méphitique de l'ensemble. Même 'Automne', plus proche du râle que de la complainte, exsude sous le vernis gluant d'une ambiance mélancolique, que distillent notamment de lointains chœurs féminins, une espèce de folie lancinante qui dérange autant qu'elle fascine. Les hommes n'ont pas le monopole de la haine et de la douleur comme l'illustre Bovary dont cette démo, enracinée dans la boue d'un black metal de facture assez classique, tire son souffle aussi immonde que vénéneux de son spleen pisseux. (25.11.2020 | LHN) ⍖⍖⍖
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