La musique est un exercice souvent solitaire auquel se prêtent particulièrement le doom et le black metal. A sa mesure, modeste mais sincère, Kaelig en témoigne. Inconnu en dehors de sa cage d'escalier, l'homme bricole dans son coin la toile mélancolique et désolée qui tapisse son âme et ses tourments. Si avec Tenebrisme, il arpente les couloirs de l'art noir, Etna quant à lui, le voit s'abîmer dans les arcanes d'un doom d'expression funéraire aux confins de l'ambient. Le caractère totalement instrumental du projet ne participe pas seulement à cette dimension solitaire quasi désincarnée mais lui inocule sa force enveloppante et une bonne part de son pouvoir d'évocation. Evocation d'une errance spectrale dans les ruines d'un monde figé par la contrition et le regret face à une faute qui ne peut être pardonnée. Près d'une dizaine d'offrandes ont coulé sous les ponts depuis 2015. Publiée en avril 2020 sur la page bandcamp de ce one-man band français, Extase est l'une des dernières d'entre elles.
Trois plaintes la composent, s'étirant entre neuf et dix-sept minutes environ. Enoncer que leur artisan prend son temps pour installer ces atmosphères plus contemplatives que suicidaires tient du doux euphémisme. Son travail nous évoque un peu celui d'une autre âme recluse, celle du Belge Stign Van Cauter dont Until Death Overtakes Me demeure une des embarcations pour les limbes les plus fascinantes que le funeral doom ait enfantées. Il y a donc du UTDOM dans Etna qui partage avec son aîné un goût identique pour les trames cotonneuses qui semblent se dévider à l'infini, pour ce reflux mélancolique qui engourdit le pèlerin venu y chercher l'âtre funèbre où ruminer son spleen, pour ce son lointain, presque étouffé comme s'il avait été capté dans une caisse de résonance naviguant entre plusieurs dimensions. Tout n'est pourtant pas si noir, si grave, dans ce derelict s'enfonçant dans les fosses marines tel un bathyscaphe filant vers la mort ('Ex'). Nimbé d'une grande tristesse, celle d'une inexorable solitude, 'Tase' n'est ainsi pas sans égrener une pale quiétude, progression inerte vers une lumière blême, quand bien même guitares, claviers et percussions au souffle squelettique, résonnent comme les derniers battements de cœur. Etna a quelque chose d'un gisant drapé dans le linceul d'une poésie funéraire dont l'essence isolée et artisanale, loin d'en absorber la noblesse, lui confère une authenticité. Et une âme. (23.11.2020 | LHN) ⍖⍖
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