5 avril 2021

KröniK | Déluge - Ægo Templo (2020)




Il y a cinq ans, nous achevions la chronique de Aether en prédisant qu'il serait pour Déluge le sésame pour la cour des grands. Nous avions vu juste comme le confirme l'alliance quand même assez incroyable que le groupe a scellée avec le mastodonte Metal Blade. Sachant que les Français se font pour le moins rares au sein de cette écurie, l'exploit n'en est donc que plus méritant, d'autant plus que les Messins n'avaient alors à leur actif qu'un seul album ! Espérons que cette promotion ne se solde pas in fine par une déception, l'avenir nous l'apprendra. Pour l'heure, Déluge se rappelle enfin à notre excellent souvenir avec Aego Templo. En dépit de son jeune âge, la formation est déjà détentrice d'une identité affirmée, qui se matérialise aussi bien visuellement que musicalement. Le premier contact avec cette seconde offrande est cette pochette que signe à nouveau Valnoir (ex Glaciation et Sombre Chemin). Cet artwork tisse d'emblée un lien avec l'opus précédent et participe à l'élaboration d'un univers propre au groupe. La connexion avec Aether se poursuit avec le titre de ce nouvel album, comme s'ils formaient les jalons successifs d'un ensemble indivisible dont l'entièreté ne sera visible que plus tard. Voilà pour le contenant. Le contenu, quant à lui, reprend les choses où le galop d'essai les a laissées en 2015, peaufinant cet art noir hybride qui doit moins aux fondamentaux qu'aux influences post metal et hardcore qui le rongent de l'intérieur. 

Chez Déluge et d'autres tels que Regarde les Hommes Tomber par exemple, le black metal ne sert que de terreau pour cultiver une expression plus organique, évidemment plus mélodique mais non moins puissante et dramatiquement émotionnelle. En cela, le groupe n'est pas sans évoquer Alcest dont Neige, la tête pensante, apparaissait d'ailleurs sur Aether. Certaines voix claires ('Digue') et autres parties de guitares aussi aériennes que déchirantes ('Béryl') illustrent cette parenté, mais il s'en détache néanmoins par ses racines plus sludge / hardcore et une approche plus évolutive. Le foisonnement des compositions et la manière dont elles s'emboîtent les unes aux autres comme une progression inexorable témoignent d'une démarche quasi progressive. De fait, Aego Templo se doit d'être appréhendé dans sa bourgeonnante et immersive globalité, chaque titre formant le chapitre d'un périple intérieur. Par sa tessiture plurielle, l'œuvre nous enveloppe, noire et fascinante. Pointilliste, sa précieuse richesse se dévoile peu à peu, à force de butiner son intimité. Torrentueuse, son écriture extrêmement élaborée impressionne, à l'image de 'Abysses', sans aucun doute l'Everest d'un menu pourtant généreux en moments de bravoure. Les Français excellent également à combiner de multiples strates vocales, rageuses, claires, féminines ou typiquement black. Aventureux, ils osent injecter les notes de saxophones déglingués ('Opprobre') et le plus souvent la tension furieuse de l'art noir à la force percutante du post metal ('Digue'), le tout irradiant un éclat stratosphérique. On ne peut rester insensible face à ce déluge de sonorités, techniquement irréprochables, émotionnellement irrésistibles. Chantre d'un black metal protéiforme à la fois profond et moderne, Déluge continue de tracer sa route, passionnante et exigeante, avec ce Aego Templo extrêmement ambitieux. Gageons qu'avec l'appui du puissant Metal Blade, le groupe devrait justement voir cette ambition récompensée... (07.11.2020 | MW) ⍖⍖⍖

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