24 avril 2021

CinéZone | John Ford - Les deux cavaliers (1961)




Coincé entre Le sergent noir (1960) et L'homme qui tua Liberty Valence (1962), Les deux cavaliers a mauvaise presse. John Ford lui-même le considérait comme "la pire merde qu'il ait tournée en vingt ans". Apprenant le décès de son ami Ward Bond, le vieux maître se désintéressa du tournage et se noya  une nouvelle fois dans l'alcool. Il est vrai que le film fait pale figure comparé à La poursuite infernale (1946) ou à La prisonnière du désert (1956), deux westerns auxquels on pense en le voyant, le premier pour le personnage de Gus McCabe (James Stewart) et la façon dont il aime se tenir, assis sur une chaise, les jambes droites posées sur une balustrade, le stetson vissé sur la tête, comme Henry Fonda, le second pour son thème des cavaliers s'aventurant en territoire indien pour ramener des blancs qui ont été faits prisonniers. On cherche en vain tout du long la moindre trace du génie fordien, qui finalement ne se lit guère que dans la manière de filmer les femmes et leur visage (celui de Linda Cristal ou celui de la mère). En outre, le scénario parait hésiter entre drame et comédie voire même la pantalonnade, sautant de l'un à l'autre sans transition. Portant, l'œuvre a ses défenseurs (Jean-Luc Godard notamment) et tout n'y est pas à jeter, en effet. En mode mineur certes, Two Rode Together participe de la mutation qui travaille le western au début des années 60. Par rapport à The Searchers dont il est une tentative de variation, le ton a changé, il se veut plus crépusculaire sinon cynique. Le fait que très peu d'action le jalonne contribue à cette dimension presque intimiste, comme si Ford avait souhaité dégraissé son approche de tout ressort spectaculaire. Il s'agit d'un donc d'un western sans rythme, au mieux nonchalant, au pire paresseux. Ce qui paradoxalement lui confère son identité teinté d'une profonde amertume. Quelques belles scènes émaillent par ailleurs le film, notamment les premières, très peu fordiennes cependant, que dominent James Stewart et Richard Widmark qui paraissent s'amuser beaucoup. Le long plan fixe qui les voit deviser de choses quasi anodines au bord d'une rivière, constitue un moment assez savoureux. Comme les roucoulades maladroites de Widmark avec Shirley Jones, même si l'acteur reconnaissait lui-même être trop vieux pour le rôle. En petite forme certes, John Ford ne manque pas de railler l'hypocrisie, le racisme et la méchanceté, à travers l'attitude que les blancs réservent au personnage de Linda Cristal. A l'exception de nos deux cavaliers et du Major Frazer (John McIntire, toujours impeccable), les hommes ne sont pas dépeints sous un jour avantageux, contrairement aux femmes, plus vraies, sincères et empreintes de noblesse. Ford est un réalisateur féministe, comme l'illustre à sa manière, modeste, ce western un peu faible sans pour autant mériter les critiques lapidaires qu'il déclenche généralement. (vu le 19.12.2020) ⍖⍖





 

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