3 mars 2021

KröniK | Marche Funèbre - Einderlicht (2020)




Marche Funèbre est un nom que les doomeux ont évidemment croisé un jour ou l'autre sur leur chemin et dans leur quête de douleur mise en musique. Les Belges se sont ainsi taillés une solide réputation au sein de la chapelle des flagellants. Leur origine géographique leur dicte une partition minérale et grisâtre, presque austère. De toute façon, on se doute que leur art sera à l'avenant d'un patronyme évocateur de plaintes funèbres et engourdies par l'hiver. Einderlicht est leur quatrième prière. Son titre peut se traduire par "la lumière de la fin". Tout un programme. Celui de la mort, du suicide... Bref, on ne s'est pas trompé de porte, il s'agit bien de l'antichambre d'un doom dans son expression la plus mortuaire et inexorable, avec les racines death qui font plus qu'affleurer à la surface du carrelage. L'ensemble pourrait être monolithique, aride, déprimant, ennuyeux pourquoi pas, mais il réussit pourtant à n'être que beauté, une beauté désolée, contrite certes mais une beauté quand même, qui s'écoule tout d'abord du chant clair vibrant d'émotions de Arne Vandenhoeck, véritable clé de voûte d'une cathédrale qui semble accueillir toute la tristesse du monde. Chargées d'un désespoir qu'on devine infini, ces lignes vocales dominent 'Scarred', huis monumental que l'on pousse tout doucement, guidés par des notes pointillistes presque aériennes. Durant plus de quatre minutes, le groupe nous installe dans un duvet (faussement) paisible avant de faire brusquement trembler les murs à mi-parcours. Le ton se fait plus dur, plus funéraire, la voix d'outre-tombe éteint la chandelle qui distillait une faible lumière, en une bouleversante progression que ne déserte jamais une forme de solennité tissée par des guitares tout en majesté. En dix minutes, la messe est déjà (bien) dite. Einderlicht n'abriterait que cette composition que cela suffirait à notre bonheur. 

Mais comme il ne s'agit pas d'un EP, son menu récite cinq autres psaumes aux multiples facettes. 'The Eye Of The End' se veut plus accrocheur, ourlé d'un riff entêtant et toujours éclairé par ce chant superbe bien qu'il bataille davantage avec des growls venus des abysses alors que les accélérations qui le cisaillent contribuent elles aussi à lui conférer un cachet plus black que doom. Du haut de ses onze minutes, 'When All I Said' est tout du long prisonnier d'une geôle de dépression dont la noirceur se dilue dans ces riffs capables de tirer des larmes à un roc. 'The Maelstrom Mute' renoue quant à lui avec une forme plus classique, proche d'un doom traditionnel, débarrassé des grognements caverneux pour n'être peint que par l'organe limpide d'un Arne décidément impérial. Drapée dans la production idéale d'une admirable clarté, que signe le maître Markus Stock (Empyrium), l'offrande repose sur une écriture impressionnante, toujours dynamique, évidemment merveilleuse et finalement plus déchirante que suicidaire. Les Belges excellent à tricoter un canevas où une élégance d'airain le dispute à des atours rocailleux, témoin le puissant morceau-titre chanté en néerlandais, morceau-fleuve surtout, qui, tout en progression, synthétise à la fois l'art de ses auteurs et la coloration globale de l'album qui ne sacrifie jamais la mélodie désolée sur l'autel d'une détresse funeste, accouplant chant plaintif et gorges profondes ou plus black, tempos pétrifiés ou plus enlevés, rythmique délicate et riffs sentencieux. Malgré sa solide réputation d'artisan chevronné, nous ne pensions pas Marche Funèbre capable de graver une œuvre aussi magnifique, qui s'impose comme son meilleur album à ce jour et comme le plus beau joyau que le doom nous ait offert cette année. (19.10.2020 | MW) ⍖⍖⍖⍖

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