Le black metal mène à tout, même au doom. Ainsi, alors que son recrutement au sein de Glaciation, groupe désormais piloté par le légendaire Hreidmarr, semblait aller de soi, voir le chanteur (mais pas que) de Deathcode Society rejoindre les rangs d'Ecclesia, formation de pur doom traditionnel comme usiné dans les années 80, était quand même plus étonnant. Mais c'est ignorer le vaste talent de Arnhwald Rattenfänger, multi-instrumentiste autant à son aise dans les ténèbres d'un art noir luxuriant que dans la crypte de la musique doloriste. Si Ecclesia ne l'a pas attendu pour exister autour d'un trio de silhouettes encapuchonnées, le fait est que son embauche pour prêcher la bonne parole, d'abord en tant qu'invité sur Witchinding Metal Of Doom, EP inaugural évidemment remarqué par les fidèles, dorénavant comme membre officiel, a permis au groupe de trouver en lui la pièce (maîtresse) qui manquait à son édifice et ce faisant, de passer à la vitesse supérieure. Arnhwald n'est cependant pas le seul ajout notable au noyau historique puisqu'il a emmené avec lui le batteur de Deathcode Society et de Glaciation, Grégoire Galichet (planqué ici sous le sobriquet de The Priest) tandis qu'un organiste a été appelé en renfort pour participer à la dimension liturgique de l'ensemble. Le résultat est ce De Ecclessiae Universalis dont l'hostie précédente, en dépit de belles qualités, ne laissait pas soupçonner une telle grandeur.
Car autant l'annoncer de suite, ce premier retable est assez monumental, déployant un doom puissant et solennel qui fait plus qu'assumer son socle heavy metal. Comprendre qu'il est autant - si ce n'est plus - un appel au headbanging qu'à la contrition ! Le tempo est enlevé, les guitares mordent la chair dans laquelle elles impriment de superbes et accrocheurs stigmates ('Vatican III') et le chant récite ces psaumes avec une emphase haut-perchée, ce qui n'interdit pas un parcimonieux enténèbrement, oripeau des racines black metal de Frater Arnhwald, témoin ce 'Ecclesia Sathani' dont les chœurs évoquent l'emphase d'un Therion à son apogée opératique. Encadrée par une intro ('Excommunicamus') et une outro ('Ite Missa Est'), l'œuvre baigne dans cette ambiance d'inquisition cultivée par le cinéma d'horreur britannique et en particulier le film "Le grand inquisiteur" de Michael Reeves avec Vincent Price, dont on reconnait la voix inimitable au début de 'God's Trial'. L'univers du groupe tout entier est construit sur l'imagerie apocalyptique d'une Eglise aux mains tachées de sang. Dans ce contexte sombre et liturgique, la reprise du 'Burn The Witch' de Venom trouve donc toute sa place. Techniquement grandiose, magnifié par une prise de son dont la force ne l'exonère pas d'une authentique âme, De Ecclesiae Universalis tire enfin une grande partie de son pouvoir d'envoûtement d'une écriture en béton armé dont on peut extraire notamment, même si tous les titres auraient droit de cité, un 'Deus Vult' aux traits fédérateurs, un 'Montségur' d'une lancinance épique ou bien encore ce 'Antichristus' dont la dernière partie conjugue envolée très black par essence et galop baroque. La messe est bien dite par Ecclesia qui récite avec De Ecclesiae Universalis le credo d'un heavy doom acéré et solennel aux allures de bûcher d'où crépitent les flammes de l'Inquisition. (31.10.2020 | MW) ⍖⍖⍖
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