Bâti autour d'une véritable dreamteam de la scène post metal/hardcore, croisant, entre autres, les talents aussi bien sonores que visuels de Dehn Sora (Treha Sektori) et de William Lacalmontie (Throane), affirmer que Ovtrenoir est un projet excitant tient du doux euphémisme. Le groupe se forme en 2013, et un alléchant premier EP (Eroded) plus tard, il accouche enfin de son premier album que tous les consommateurs de son massif et d'ambiances aussi bétonnées que mélancoliques guettaient donc depuis longtemps. Il va sans dire que Fields Of Fire ne les décevra pas, honorant avec la maestria convoitée son cahier des charges. Puissamment immersif, son menu ne saurait susciter la moindre réserve. Les atmosphères sourdes et pesantes de fin du monde cognent à la porte, lourdes mais sachant écarter les lèvres d'un désespoir poignant ('Those Scars Are Landmarks), les guitares dressent une turgescence d'ébène, tandis que lignes de basse et rouleaux de batterie, assurés respectivement par Angéline Séguelas et Julien Taubregeas (The Great Divide), évoquent des plaques tectoniques qui se chevauchent ('Echoes'). Enfin l'organe vocal s'abreuve à la source neurosienne ('Phantom Pain' sur lequel plane l'ombre de A Storm of Light). Bref, aucun doute, nous sommes bien en train de nous enfoncer corps et (surtout) âme dans les sables émouvants du post metal le plus authentique. Trop peut-être.
Car de l'enrobage sonore fabriqué par l'indispensable Francis Caste (Hangman's Chair) en passant par l'artwork dépressif, superbe au demeurant, Ovtrenoir participe d'une sorte de standardisation d'un genre qui use sans imagination et jusqu'à l'indigestion des mêmes codes, du même son, des mêmes ambiances. Ce qui n'entame pourtant ni la jouissance de le pénétrer ni la force de ce Fields Of Fire écrasant et fascinant de bout en bout ('Wires'), nourri d'une sève puissamment évocatrice. En fait, la personnalité du groupe, bien réelle, se niche dans les souterrains de complaintes dont les traits ramassés, tendus comme le foc d'un navire affrontant la tempête, ne les exonèrent pas d'une palette sonore plurielle. Aux fissures aériennes laissant filtrer une beauté tenace s'accouplent ici des paysages ambient et squelettiques (le curieux 'Kept Afloat', sorte de pause au souffle désincarné néanmoins malsain), là des vocalises presque échappées du black metal ('I Made My Heart A Field Of Fire') alors que 'Slumber' achève l'écoute à la manière d'un reflux aux entêtants atours percussifs. Noueuses mais brillant de lueurs mélodiques, ces sept compositions cultivent l'ambivalence, oscillant entre marées noires qui noient toute trace de vie et un geyser salvateur qui poisse l'ensemble d'un vernis d'espoir, comme la métaphore d'un monde contemporain gravitant au bord de la destruction avant de renaître de ses cendres. Si Fields of Fire puise dans les invariants propres au post metal, Ovtrenoir est composé de musiciens trop malins et visionnaires pour ne pas fissurer ce mur compact d'une personnalité certes encore en gestation mais déjà matrice d'un art aussi pétrifié qu'émotionnel dont la force mélodique n'est jamais éconduite. (10.10.2020 | MW) ⍖⍖⍖
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