17 février 2021

KröniK | Khors - Where The Word Acquires Eternity (2020)




Auréolé d'une réputation sulfureuse qu'il doit plus aux connections de certains de ses membres, passés ou présents, à la mouvance païenne et nationaliste (Nokturnal Mortum, Hate Forest...)  et à cette mythologie slave qui lui sert d'humus qu'à un quelconque activisme politique, Khors n'en reste pas moins un des meilleurs groupes de black metal tout court, typique de cette chapelle ukrainienne enracinée dans un substrat glacial à la fois mélancolique et belliqueux. Mieux, comme le bon vin, le groupe se bonifie, ne cesse de gagner en valeur. Wisdom Of Centuries, notamment, témoignait des immenses progrès réalisés depuis le séminal The Flame Of Eternity's Decline. Malheureusement, avare de sa précieuse semence, Khors se montre de moins en moins fécond, laissant filer un temps de plus en plus long entre chaque offrande. Where The Word Acquires Eternity survient ainsi cinq ans après "Night Falls Onto The Fronts of Ours". Pourtant au final, on s'en fiche pas mal car les Ukrainiens dressent comme jamais une érection immense. La pochette est magnifique et dès ce 'Starvation' dont la progression est trouée par de multiples gouffres, ce septième album (seulement) balaie tel un fétu de paille ce trop long silence. Désormais hébergés par Ashen Dominion (Ulvegr, Ygg...), chez lequel ils se révèlent bien plus à leur place qu'au sein de l'écurie Candlelight, les musiciens nous dévoilent à quel niveau de maîtrise ils sont parvenus, coulant une technique affutée dans le chaudron d'un black metal conquérant, où bouillonnent noirceur abrasive et beauté atmosphérique. 

Khors excelle dans l'écriture de compositions torrentielles et rocailleuses tout ensemble et dont les furieuses morsures ne les vident à aucun moment de la fascinante sève mélodique qui gonfle leurs veines, témoin ce 'Blissforsaken', assez grandiose qui, en sept minutes, galope à travers de vastes paysages nimbés d'une brume emphatique. Quoique omniprésents, les claviers étendent un suaire gelé, plus sinistre que mielleux, à l'image de 'Crystals of The Fall' qui meurt sur un final tragique. De même les parcimonieuses lignes de violon, loin d'en polir la surface, participent de la puissance dramatique qui enserre cet album, ce qu'illustre 'The Sea Of My Soul', que sabre par ailleurs un déchirant solo de guitare qui décolle très haut vers un ciel sans étoiles. Tranchante et rongée par une grésillante tristesse, la six-cordes décoche tout du long des saillies d'une fulgurante beauté d'airain. Where The Word Acquires Eternity s'impose comme un pur condensé de ce slavic black metal dans ce qu'il a de plus bouleversant et crépusculaire. Gorgé d'idées fabuleuses, chaque titre est bâti sur une mécanique d'orfèvre, dévidant une trame à la fois implacable et sinueuse ('And Life Shall Harvest One's Past'). Toute la force de Khors réside plus que jamais dans cette capacité rare à faire jaillir d'une agressivité furieuse, à laquelle participe le chant rageur de Jurgis, des émotions aussi belles que désespérées. Tous les morceaux redoublent autant d'une ténébreuse impétuosité que d'une lumineuse force mélodique, à l'instar de 'The Mist' ou du terminal 'Beneath The Keen Edge Of Time'. Avec Where The Word Acquires Eternity, Khors signe ni plus ni moins que son œuvre la plus achevée car pensée dans ses moindres recoins, techniquement parfaite et nourrie d'une inspiration au carré, tertre d'un art noir minéral et forestier sculpté dans les monumentales montagnes ukrainiennes. (11.10.2020 | LHN) ⍖⍖⍖


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