Hollywood affectionne ces histoires de sergents instructeurs durs à cuire qui doivent modeler des gamins à peine dépuceler en hommes voire plus prosaïquement, en chair canon. On pense à Officier et gentleman de Taylor Hackford (1982), à Full à Metal Jacket de Staley Kubrick (1987) ou, dans un style franchement plus humoristique, au Maître de guerre de Clint Eastwood (1986). Le cinéphile d'aujourd'hui, nourri à ces bobines souvent pleines de sang et de larmes, et ferré par un titre français tapageur, annonciateur d'un spectacle sans concessions, sera certainement déçu par Sergent la terreur dont la violence parait bien tiède en comparaison. Question d'époque peut-être, pourtant Richard Brooks, qui connaissait bien la guerre, avait les moyens de façonner un film taillé dans la dureté promise. Certes, Thorne Ryan est un homme sévère mais il est juste et finalement jamais inhumain. Et de toute façon, que son père fut un déserteur excuse son comportement parfois brutal et justifie l'exigence dont il fait preuve envers ses recrues. Et à la fin, ceux qui le haïssaient tant comprennent qu'il a agi ainsi pour leur bien uniquement, pour leur sauver la peau. Capable plus tard de démythifier l'Ouest avec une férocité glaçante (La dernière chasse), Brooks demeure ici encore prisonnier des conventions. Dans ce décalage entre le propos (le portrait d'un instructeur dont les méthodes cruelles le font haïr de tous) et le résultat à l'écran, plutôt sage voire moralisateur, réside donc la principale faiblesse de Take The High Ground. Son intérêt principal se niche en réalité à la fois dans l'interprétation de Richard Widmark (flanqué du toujours impeccable Karl Malden), qui se glisse à nouveau dans les habits d'un officier et dans sa relation avec une femme à la dérive qui a échoué dans les bars de la ville, campé avec assez peu de naturel par la belle Elaine Stewart. La scène où il l'embrasse avant qu'elle ne le repousse, éclairée par le clignotement d'un néon, est superbement photographiée, John Alton oblige. Sergent la Terreur est une œuvre imparfaite mais attachante. (vu le 12.09.2020) ⍖⍖⍖
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