26 janvier 2021

CinéZone | Jean Chapot - Les grandes brûlées (1973)




D'après certains témoignages, le tournage des Granges brûlées fut particulièrement difficile, moins pour son cadre hivernal rigoureux que pour l'incapacité de Jean Chapot à diriger le film dont il signe pourtant en partie le scénario. Auteur de La voleuse avec Romy Schneider avant d'œuvrer surtout pour la télévision, le réalisateur se met en effet rapidement à dos toute l'équipe, à la fois arrogant et tétanisé face à Alain Delon. Afin d'éviter un désastre annoncé, le producteur Raymond Danon prie le réalisateur de quitter le tournage, au moins lors des scènes avec Delon qui sont tournées en premier et par l'acteur lui-même, semble-t-il ! Or, magie du cinéma, cette ambiance lourde et pénible ne transparait absolument pas à l'écran, n'entamant en rien une réussite artistique (plus que commerciale) certaine quoique mineure. Il est ainsi difficile de croire en voyant Les granges brûlées que son metteur en scène a brillé par son absence pendant une bonne partie du tournage ! Là réside toute la force de Simone Signoret et d'Alain Delon, deux monstres sacrés, selon la formule consacrée, qui n'ont pas besoin d'être dirigés pour exprimer la relation complexe qui se noue entre leurs personnages respectifs. Ils se connaissaient déjà d'ailleurs pour avoir partagé l'affiche de La veuve Couderc (Pierre Granier-Deferre), deux ans plus tôt. Mais au delà de la performance de son luxueux duo, le film doit son intérêt à sa peinture d'un monde paysan en pleine mutation. Si par sa trame policière, il se rapproche évidemment de L'affaire Dominici voire même de La Horse avec la Signoret en matriarche veillant sur son clan à la place de Jean Gabin, le métrage de Jean Chapot insiste davantage sur ce monde agricole qui s'oppose à celui de la ville. D'un abord peu commode, l'actrice incarne le premier, Delon, à la fois tenace et respectueux dans la peau du jeune juge d'instruction, le second. On sent vivre cette ferme à l'intérieur rudimentaire, perdue, isolée dans un manteau blanc spectral. La mort d'une jeune femme va venir détruire le vernis fragile d'une vie de labeur figée dans le temps et l'espace. Deux immenses acteurs, idéalement secondés par une distribution qui fait le charme du cinéma français de ces années 60 et 70 (Paul Crauchet, Bernard le Coq, Jean Bouise, Christian Barbier et même Miou-Miou !), la partition énigmatique de Jean-Michel Jarre et la beauté mélancolique de ces paysages du Doubs dont on perçoit la glaciale morsure, assurent aux Granges brûlées sa solide tenue. (vu le 30.10.2020) ⍖⍖⍖









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