On ne fabrique pas que du black metal au Québec mais aussi, parfois, d'autres choses, du death, du thrash, toutes ces bestioles qui sentent la poudre et le charnier. Reste que les corbeaux ne sont jamais bien loin quand même. Il faut dire que cette scène n'est pas très grande et de fait, les musiciens ne cessent d'y croiser le fer dans de multitudes projets. Tel est le cas de Saccage, agrégat de mercenaires bien connus de la chapelle extrême du coin. De la formation originelle qui comptait notamment dans ses rangs Max Distilly, le batteur (et accessoirement chanteur) de Ciel Nordique ou Steve Force, bassiste d'Outre-Tombe, il ne reste plus personne. Recruté en 2008 pour tenir la quatre-cordes, l'ancien guitariste de Csejthe, Phat Labrosse, est désormais le membre le plus ancien. Autour du lui se sont peu à peu greffés le brailleur Dan Mécréant, le cogneur Alexis, rejoints depuis cette année par Charles St-Pierre à la gratte. Celui-ci n'a toutefois pas participé à ce Khaos Mortem gravé au printemps 2019, publié quelques mois plus tard mais qui n'atteint nos oreilles qu'aujourd'hui. Il n'est jamais trop tard pour se prendre une bonne cartouche dans la gueule. Matraquant sur ses premiers crachats une sorte de black thrash aux relents punkoïdes, Saccage patauge désormais dans un pur death crust qui cependant déchire toujours autant la rondelle. Accordage plus bas que terre et vocalises aux allures de remugles fétides alimentent ce troisième méfait longue durée aussi lourd que survolté. En moins de trente minutes, les Canadiens éjaculent une souillure visqueuse au goût de mort et de cendre. Ça va donc très vite, poussé par des blasts furieux. Sur cette terre ravagée au bord de l'Apocalypse, le groupe dresse un tertre pollué de miasmes qui semble vouloir concentrer tous les maux qui secouent actuellement une (in)humanité plus que jamais aux portes du chaos. Usant de la langue de Molière, le quatuor déverse une espèce de poésie dégueulasse ('Ivresse libératrice') qui participe pleinement de l'ambiance croûteuse tachant ces saillies qui galopent dans la fiente et la barbaque avariée. Néanmoins et nonobstant une reprise de Nunslaughter ('Mort par la mort') et une appétence toujours vivace pour les blitzkriegs saignants ('Souillure spectrale'), Saccage paraît avoir perdu en sauvagerie crasseuse ce qu'il a gagné en accroche rampante ('Acouphène funéraire') voire presque mélodique ('La kermesse du charnier'), même si les racines black metal arasent l'ensemble à l'image du terrassant 'Jugement (le régicide eurythmique)', illustration d'un syncrétisme mortifère où copulent au fond d'un même puits black, death et thrash pour un résultat hargneux qui fait saigner les muqueuses. Plus accessible sans aucun doute, Saccage se nourrit du chaos ambiant pour dégorger un death crust nucléaire et morbide et ce faisant lâche avec Khaos Mortem une bombe au doux parfum de napalm chargée de haine pour cette misérable race humaine qui ne mérite que de disparaître de la surface de la terre. (29.08.2020 | MW) ⍖⍖
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