3 décembre 2020

KröniK | Entartung - Maleficae Artes (2020)



Malgré déjà trois offrandes dans sa besace, Entartung demeure encore bien trop méconnu. Les Allemands figurent pourtant parmi les hordes noires les plus fascinantes sorties de terre ces dernières années, distillant un black metal froid et épique mais toujours mélodique, nourri de l'humus anglais des Wodenthrone et autre Winterfylleth pour cette âpreté païenne, et poussé par un vent sinistre venu d'Europe de l'Est et d'Ukraine en particulier (Drudkh et consorts) pour cette tristesse atmosphérique glissée dans les méandres de longues compositions. Un album tel que Baptised Into The Faith Of Lust n'a par exemple absolument pas à rougir de la comparaison avec certaines des plus belles réussites des maîtres cités plus haut. Espérons que Maleficae Artes corrige enfin cette injustice et permette à ses trois géniteurs de s'extraire de l'ombre dans laquelle ils sont tapis depuis huit ans. Ils le méritent ô combien, et ce quatrième méfait avec. Car il faut être sourd pour ne pas se laisser emporter par cet art noir riche d'une emphase austère et majestueuse tout ensemble. Tutoyant les dix minutes au garrot, 'Tower of Silence' est même taillé dans le bois le plus grandiose, démentielle entame qui balaie de sa noirceur rageuse des paysages escarpés à travers lesquels sillonnent des guitares tour à tour abrasives, entêtantes et belles à pleurer. Une violence obscure venue de la nuit des temps le dispute à une obsédante mélancolie. Ecartelée par un pont atmosphérique qu'ourle l'influence automnale de Roman Saenko (Drudkh), cette complainte torrentielle gravit un relief abrupt qui s'achève sur une dernière partie grésillant d'une sombre et dramatique beauté. 


Encore une fois Entartung nous plonge avec un élan furieux dans des temps reculés dont il saisit l'ambiance obscurantiste où hurlent la sorcellerie et les rites diaboliques. Dommage cependant que Maleficae Artes ne maintiennent pas tout à fait un tel niveau tout du long. Les trois pistes suivantes, sans compter l'intermède osseux 'Un Ciel Bourbeux et Noir', d'une poignante sécheresse de touche au demeurant, restent néanmoins de très belles pièces elles aussi, même si les morsures qu'elles creusent dans la chair se révèlent moins profondes. Tirant vers un black aux couleurs pagan, 'Bortförd' accueille des chœurs galvanisants lors d'une première partie forestière avant que ses traits se durcissent, traçant un sentier abrupt menant à une vaste clairière nimbée de cette triste solennité propre à l'école païenne et atmosphérique de la Perfide Albion. Pour sa part, dressant un tertre sabré de lancinantes et décapantes striures, 'Circle Of Suffering' n'est pas loin de se hisser au même rang que 'Tower Of Silence'. Après un premier pan tumultueux, le rythme ralentit brutalement, tricotant des instants suspendus au-dessus d'un gouffre, prémices d'une conclusion qui galope comme si demain ne devait plus exister. Quant au terminal 'Aufruhr MDXXV', il étire douze minutes d'un metal noir épique dont la trame puissamment crépusculaire est perforée par de multiples entailles d'où s'écoule un éclat tragique. Vous l'aurez donc compris, Entartung est un groupe qu'il vous faut à tout prix découvrir si vous ne le connaissez pas encore. Maleficae Artes, en dépit sans doute d'influences toujours assez marquées, est fait du même bois que les plus belles offrandes des Drudkh, Wynterfylleth et autre Wodenthrone. Souhaitons que les Allemands soient enfin reconnus à leur juste place, soit parmi les prélats d'un black metal dont la noirceur robuste se conjugue à des atmosphères rudes et mélancoliques. (11.08.2020 | MW) ⍖⍖⍖


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