1 décembre 2020

KröniK | Blóð - S/T (2020)




Ulrich W. est quand même un artiste parfois difficile à suivre, et c'est tant mieux ! Avant tout identifié comme chanteur et guitariste au sein d'Otargos, horde majeure de la chapelle black metal hexagonale, on le voit depuis quelques années butiner les projets parallèles et plutôt éloignés stylistiquement les uns des autres bien qu'ils partagent tous une noirceur certaine. Si Regarde les hommes tomber, qu'il a toutefois rapidement quitté après un seul album, possède un incontestable ancrage dans l'art noir et ce, malgré une perméabilité au hardcore et au sludge, que dire de Volker et son dark rock gothique, délicieux au demeurant, qu'il mène avec la front woman Jen Nyx ? Et c'est à nouveau à une chanteuse qu'il se frotte avec Blóð, fruit de sa copulation avec Anna W., soit madame Ulrich à la ville !  Bien que le nom sous lequel le duo se présente ("sang" en norvégien), laisse peut-être imaginer un socle purement black metal, il n'en est rien en réalité même si, de part la charbonneuse obscurité de ses ambiances et la rouille maladive qui croûte les guitares, la musique ténébreuse demeure toujours en maraude, tapie dans les angles mort de compositions rampantes. Plus prégnantes en revanche demeurent les racines doom du projet, un doom tour à tour atmosphérique, comme Amber Asylum ou le méconnu Worm Ouroboros le matérialisent, ou plus incantatoire un peu à la manière du défunt The Devil's Blood, pour faire dans le raccourci facile. 


Auteur des paroles et de ses lignes de chant, Anna contribue à cette féminité hantée quasi rituelle, vestale aux allures de sirène pétrifiée, alors que Ulrich, qui se charge du reste, apporte cette touche plus black et crépusculaire ('Little Death'). Mixtion mêlant black et doom pourrait définir la signature du tandem sans pourtant que cette appellation s'avère satisfaisante car de ce matériau suinte une espèce de lèpre corrosive ainsi qu'une sourde déchéance qui distinguent clairement Blóð des groupes qui arpentent habituellement ce créneau doloriste, ce dont témoigne à merveille 'Spektrs', qui résume plutôt justement la démarche du couple. Il en découle par conséquent un opus aux formes reptiliennes, tout du long prisonnier d'une geôle fantomatique ('Tombstone') et qui vous ensorcelle avant de vous engourdir. Et c'est dans les profondeurs d'un abîme terminal et  funeste qu'on en achève l'écoute. Certains reprocheront peut-être à ce galop d'essai sa trop grande uniformité mais cette variation sur un même thème morbide et crapoteux participe au contraire de sa force souterraine et du charme vénéneux qu'il inocule très vite tant il parait difficile de ne pas succomber à ses appas séduisants et caverneux tout ensemble. Réussite incontestable, il ne reste plus qu'à souhaiter que ce premier album ne soit pas l'unique signe de mort d'un projet éphémère. Le duo assure le contraire. Nous ne demandons qu'à le croire... (09.08.2020 | LHN) ⍖⍖⍖

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