7 octobre 2020

The Moon And The Nightspirit | Aether (2020)



The Moon And The Nightspirit est un duo aussi rare que précieux dont nous guettons chaque nouvelle offrande comme un Graal mystique et boisé. Dès l'originel "Of Dreams Forgotten And Untold Legends", publié il y a quinze ans déjà chez le label portugais Equilibrium Music, Agnes Toth et Mihaly Szabo ont établi un style assez unique, dont la dimension sombrement folklorique et la poésie ténébreuse peuvent le rapprocher du matriciel Dead Can Dance mais dont les origines hongroises lui confèrent une coloration bien particulière. Ainsi qu'une âme à la fois crépusculaire et forestière qui doit tout à cette contrée à l'atmosphère étrange et irréelle.

Si les racines métalliques du groupe n'ont jamais vraiment affleuré, les connexions avec la scène pagan sont pourtant évidentes, alimentées par le caractère mélancolique d'une partition engourdie par la tristesse, cependant que le sentier chamanique qu'il emprunte dresse un pont avec les Heilung et autre Wardruna. Trois ans après l'excellent "Metanoia", The Moon And The Nightspirit nous offre enfin le fruit de ses rêveuses pérégrinations. La formule demeure inchangée et la qualité avec.

Comme ses aînés, "Aether" a quelque chose d'une errance nocturne dans les profondeurs de paysages mystérieux aux confins du fantastique. Bijou d'écriture et de progression, chaque titre est ciselé avec une science des ambiances oniriques et des arrangements squelettiques, une science admirable qui touche à la perfection sans pour autant vider la musique puissamment émotionnelle du couple de sa substance noire et dramatique ('Egi Messezeségek'). Limpide, la prise de son qui donne corps à ses instruments d'une sécheresse tragique est ainsi toujours mise au service d'un éther sensoriel.


Il suffit de se laisser couler dans l'intimité de 'A Mindenség Hivàsa', assurément une des créations les plus achevées des Hongrois, pour saisir toute la beauté désenchantée de ce canevas contemplatif et percussif aux allures de sarabande ombrageuse. Les lignes de violon vibrent avec une force désespérée, la voix d'Agnes se pare d'un halo fantomatique et Mihaly se charge de hachurer le ciel de funestes nuages. Sept minutes de pur bonheur. Plus que l'assemblage de chansons mises bout à bout, on devine que "Aether" a été pensé comme un tout, comme un ensemble indivisible où chaque morceau se positionne avec harmonie, de l'inquiétante piste éponyme, sorte de longue introduction aux teintes fantasmagoriques, jusqu'à ce 'Asha' que berce cette voix féminine aussi fragile qu'insaisissable.

Sans révolutionner l'identité du duo, ce que de toute façon nous ne lui demandions pas, ce septième album souligne à la fois l'aspect tribal d'une trame plus hypnotique et lunaire encore, ainsi que la complémentarité entre le chant féminin, vespéral et néanmoins tragique d'un côté, et masculin, sombre et souterrain, de l'autre. Jamais peut-être les deux artistes n'ont été liés par une telle osmose dans leur rôle respectif ('A Szarny').

Extrêmement travaillé, "Aether" est une gemme noire taillée dans un folk païen et poétique qui illustre si besoin en était encore la valeur inestimable de The Moon And The Nightspirit, duo envoûtant dont l'art conserve intact son pouvoir de fascination, capable de nous arracher au quotidien pour nous faire voyager dans un monde chargé de mystères... (21.06.2020 | MW

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