5 octobre 2020

Kvelertak | Splid (2020)




On reconnaît les grands groupes - notamment - à la manière dont ils parviennent à encaisser au mieux le départ d'un de leurs membres les plus emblématiques. Tel est le cas de Kvelertak qui, en 2018, a vu Erlend Hjelvik le quitter. Or celui-ci, non seulement chanteur historique du combo de Stavanger, comptait aussi pour beaucoup dans cette identité rageuse entre black metal et rock'n'roll. Les Norvégiens parviendraient-ils à pallier le vide laissé par cette démission en dégotant la perle rare ?

Le fait que "Nattesferd", nonobstant ses incontestables qualités, a pu également décevoir les fans du premier rang, agacés par le polissage sonore alors entamé, venait s'ajouter à l'inquiétude née de ce changement de personnel, laissant craindre (peut-être) le pire pour le quatrième album. Très vite, Ivar Nikolaisen (Silver) est annoncé pour gueuler dans le micro. Les concerts qui ont suivi ont rassuré, témoignant que le groupe a fait une bonne pioche. Quoique plus débraillée, sa voix n'est pas si éloignée que celle de son prédécesseur dans ce registre hurlé carburant au Destop.

Et en définitive, c'est moins la qualité de ce nouvel effort qui risquait d'interroger que la direction musicale retenue par ses auteurs. Retour au black'n'roll batailleur de "Meir" ou affirmation d'une accroche (de plus en) plus mélodique ? Que les Norvégiens qui, jusqu'à présent étaient toujours restés fidèles à leur langue nationale, aient décidé de faire de (rares) concessions à l'anglais ('Crack Of Doom'), semble faire pencher "Splid" dans la seconde possibilité. Certes Kvelertak n'oublie pas tout à fait d'où il vient. Toute la partie centrale de 'Delirium Tremens', dont les huit minutes sont écartelées par une brutalité épidermique, le confirme, tout comme 'Rogaland', entrée en matière dans la lignée des amorces des disques précédents. Mais il paraît évident qu'il poursuit le glissement vers une musique plus accessible négocié par "Nattesferd".




Sa patte demeure reconnaissable entre mille, de même que son énergie aussi furieuse que granitique ('Necrosoft') mais il est clair que le groupe va encore plus loin dans une expression finalement plus lumineuse. Les chœurs communicatifs ('Discord'), le vernis atmosphérique de 'Stevnemøte Med Satan', la touche grungy d'un 'Tevling', le riff AC/DCien de 'Fanden  ta Dette Hull !' ou ces envolées de guitares que ne renierait pas Brian May (l'énorme 'Bråtebrann') le confirment.

Cela fait-il de ce quatrième opus un faux-pas ? Que nenni. D'autant plus que les choses ne sont pas si simples. Comprendre que Kvelertak aime brouiller les pistes car sous le masque plus lisse arboré demeure toujours ce fauve prêt à bondir et à broyer ses proies. Nous ne sommes ainsi jamais à l'abri d'une éruption de violence qui surgit quand on l'attend le moins. Surtout, les Scandinaves excellent à jongler entre d'une part, la saillie férocement accrocheuse, et de l'autre, le maillage quasi évolutif.

Il en résulte un album plus nuancé qu'il n'en a l'air, dévoilant un groupe à la fois en pleine possession de ses moyens et désireux d'évoluer. Et s'il ne subsiste du black metal originel que de fugaces oripeaux, Kvelertak reste cette machine à en découdre unique et addictive. (20.06.2020 | MW) ⍖⍖⍖


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire