Après plusieurs films encore académiques portant la marque du théâtre, Elia Kazan signe avec Panique dans la rue ce que les critiques considèrent comme sa première oeuvre importante, celle en tout cas où sa personnalité commence véritablement à s'esquisser. Se conformant au style réaliste cher à la Fox qui produit le film, il va même encore plus loin dans le naturalisme sordide en posant sa caméra dans une Nouvelle-Orléans dégraissée de toute image romanesque et en immergeant ses acteurs au milieu de vrais gens, portrait d'une Amérique telle qu'on n'avait pas encore l'habitude de la montrer au cinéma, une Amérique peuplée de clandestins vivotant dans des quartiers louches. Décors et dialogues sont souvent décidés à la dernière minute, ce qui accentue la spontanéité des comédiens dont certains sont non professionnels. Panique dans la rue est également un métrage très personnel en cela qu'il recourt au code du film noir (l'enquête policière, le noir et blanc, les gueules inquiétantes) sans réellement en être un.
Le suspense est néanmoins au rendez-vous, suivant la traque menée par un docteur (Richard Widmark dans son rôle alors le plus positif) et un policier (Paul Douglas, solide comme toujours). Jusqu'alors généralement cantonné aux personnages de psychopathes (Le carrefour de la mort, La dernière rafale...) ou au moins ambigus (La furie des tropiques, Les forbans de la nuit), Widmark cède ce rôle au débutant Jack Palance, qu'il retrouvera d'ailleurs l'année suivante dans le Okinawa de Lewis Milestone. Palance crève déjà l'écran avec sa trogne taillée dans la roche du Caucase qui dissimule un jeu néanmoins toute en subtilités. Enfin, il est bien sûr difficile de ne pas voir dans cette peste venue des pays de l'Est une métaphore sur le communisme infiltré aux Etats-Unis, d'autant plus que Kazan fut un délateur zélé devant la commission des activités anti-américaines, ce qu'il regrettera à postériori... (vu le 06.08.2020) ⍖⍖⍖
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