29 septembre 2020

CinéZone | William Wellman - La ville abandonnée (1948)






Les plus beaux westerns que signera William Wellman sont ceux où son admirable sens de l'épure confine à l'abstraction. C'est le cas de L'étrange incident (1943), de Convoi de femmes (1951) et de La ville abandonnée. Dans ce dernier, il pousse à son paroxysme ce dénuement comme s'il souhaitait dégraisser autant que possible aussi bien le récit que sa mise en scène, sèche, aride comme le désert que ces bandits doivent traverser (et qui inspira peut-être Sergio Leone pour Le bon, la brute et le truand). Ces décors et paysages dépouillés constituent même un personnage à part entière. Celui du désert donc, auquel la photographie en noir et blanc donne des allures de mer de glace, puis celui de cette ville surgie de nulle part, aux baraques écroulées, nichée aux milieux des rochers. La réalisation de Wellman apparait squelettique pour ne pas dire austère, ce qui ne signifie pas qu'elle soit pauvre ou fonctionnelle. Au contraire, on admire chez lui la pureté du cadre (comme cette scène où Widmark et Peck forment une diagonale en premier plan devant leurs équipiers) ou cette manière d'aller à l'essentiel, de ne jamais trop en montrer. Voire de ne rien en montrer du tout, comme lors de l'affrontement final dans un saloon abandonné, réduit à quelques coups de révolver et auquel on assiste de l'extérieur sans le voir. Il ne fait aucune concession au romanesque généralement de mise. L'histoire d'amour est filmée soit avec brutalité soit d'une façon très équivoque pour ne pas dire sexuelle mais dans la limite de ce qui est alors permis de montrer à l'écran.



Simple, le scénario n'en illustre pas moins la cupidité obsessionnelle des hommes qui, au cas présent, ne peuvent se contenter du butin d'un vol de banque mais doivent dérober l'or comme pour répondre à un besoin impérieux. Echoués dans cette ville déserte où ne vivent qu'un vieux prospecteur et sa fille, les voleurs vont peu à peu s'affronter, les antagonismes exacerbés par la présence de l'or et de la femme (superbe Anne Baxter !). Avec son huis-clos et ces bandits aux visages expressifs, Yellow Sky épouse presque davantage les traits du film noir que du western proprement dit. Que W.R. Burnett (Quand la ville dort, High Sierra) soit à l'origine du script (inspiré toutefois par La tempête de Shakespeare) n'est ainsi pas surprenant. Bien entendu, le film doit enfin beaucoup de sa force à l'opposition entre Gregory Peck et Richard Widmark (parfaits tous les deux), et  qui très vite s'esquisse pour s'installer avec une tension souterraine. Tournant autour d'une poignée de protagonistes, Nevada (son autre titre français) a quelque chose d'une ronde. A la bestialité primaire de la plupart des hommes de la bande (dont le personnage campé par John Russell) répond l'humanité de Stretch (Gregory Peck), avec les chevaux d'abord, puis avec Mike et son père. Plutôt masculine pendant presque toute la durée du film, il n'est pas anodin que la fille du prospecteur ait comme diminutif un prénom d'homme. Objet de désir un peu rustre au début, elle se muera en vraie femme à la fin du récit. Ceux qui survivent sont ceux qui évoluent contrairement aux autres qui s'enfoncent dans leurs travers. Un des meilleurs westerns des années 40, à rapprocher du Trésor de la Sierra Madre (qui n'en est certes pas un) ou de La vallée de la peur. (vu le 28.07.2020) ⍖⍖⍖

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