Gene Tierney, Herbert Lom, Hugh Marlowe, Jules Dassin, Richard Widmark
Alors qu'il devait en confier la mise en scène à Jacques Tourneur, Darryl Zanuck embauche finalement Jules Dassin pour réaliser Les forbans de la nuit. Grand bien lui en a pris car, nonobstant le talent de l'auteur de La féline (qui aurait livré un travail bien différent), le patron de la Fox offre alors à Dassin le matériau idéal de ce qui restera comme son film le plus réussi, lequel pousse vers des sommets la veine du polar réaliste alors quasi inédites des Bas-fonds de Frisco et de La cité sans voiles. Soupçonné de sympathie communiste, le réalisateur trouve également là l'occasion de s'éloigner d'Hollywood pour poser sa caméra dans une ville de Londres dont il donne une image bien éloignée des cartes postales. La capitale britannique n'est plus que dédales miteux, établissements louches, salles de boxe crapoteuses, rues sales et appartements sinistres. Mais ce réaliste sordide se conjugue à une vision presque onirique de la cité londonienne abîmée par une obscurité expressionniste tandis que la traque finale à travers ces artères et ponts déserts semble irréelle.
Dans ce monde de la nuit grouillant va se nouer le destin tragique, celui de Harry Fabian, escroc minable, pathétique et attachant tout ensemble, qui rêve de grandeur, de réussite sociale mais qui ne fait que glisser sur une pente inexorable. Les escaliers qu'il ne cesse de dévaler sont la symbolique de cette chute que rien ne pourra interrompre ni même freiner. Dans la peau de ce looser tragique qui finira par devenir magnifique, Richard Widmark trouve l'un de ses plus beaux rôles, à la (dé)mesure de son talent. Il y apparait grandiose et presque shakespearien dans sa folle énergie à s'extraire de sa médiocre existence. Dès le départ, on devine qu'il n'est qu'un mort en sursis qui peu à peu s'enfonce avec une fatalité désespérée dans une trajectoire sans issue. Autour de lui, gravitent des personnages qu'il entraînera tous dans sa funèbre dégringolade, du vieux lutteur Gregorius en passant par le patron de boite de nuit Nosserros qui veut sa perte au même titre que Kristo. Bien que peu présente à l'écran, Gene Tierney diffuse un peu de lumière dans cette histoire écrite à l'encre noire. Un très inutile remake sera commis par Irwin Winkler, Night And The City, avec Robert De Niro et Jessica Lange. (vu le 26.07.2020) ⍖⍖⍖⍖
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