Que La Caverna Records ait publié "El Valle Del Cóndor" n'est pas surprenant quand on sait que quelques mois avant il agrégeait en un seul CD les deux premières démos de Siete Lagunas, projet parallèle de Antonio Espinosa Holguín et Francisco Fernández López, respectivement chanteur et guitariste de Cóndor. Le doom death forgé par leur principal port d'attache cède ici la place à un black metal néanmoins lui aussi primitif et vierge de toute afféterie. Dans ce goût pour une prise de son rudimentaire et une expression dépouillée réside la signature des Colombiens que vous ne surprendrez donc jamais en flagrant délit de maniérisme, approche old school de toute façon récurrente chez les hordes venues d'Amérique du Sud.
Outre cet enrobage croûteux, les deux entités partagent également un penchant identique pour les arpèges mélancoliques et squelettiques qui, chez Siete Lagunas, résonnent le temps d'intermèdes ou d'intros décharnés. Quant au chant écorché voire carrément hurlé de Antonio Espinosa Holguín, il termine de cimenter Cóndor à son petit frère. Même si les comparaisons s'arrêtent là, les deux groupes ne sont de fait pas si éloignés l'un de l'autre que cela.
Ainsi additionnées, ces deux démos déroulent un curieux menu que poinçonnent de courts instrumentaux. Le fait que les autres morceaux n'excèdent jamais eux-mêmes les trois minutes au garrot renforce l'impression de brouillon, d'ébauche, qui ne peut que se dégager de cette collection dont chaque piste a, qui plus est, été capturée dans des conditions artisanales, en une seule prise ou presque. Quoique déglingué ('Aguanoso'), le rythme y est lancinant ('Madremonte'), maladif, vibrant d'une tristesse caverneuse. Quelques notes d'une guitare chétive et les cris d'une bête solitaire suffisent au duo pour peindre des paysages nocturnes et caillouteux que peuplent des esprits venus du fond des âges, enfouis dans les profondeurs de cavités souterraines.
Dans ces ténèbres s'amasse un art noir instinctif qui se nourrit de l'énergie brut, un peu grossière, que les Colombiens cherchent à capter, à dompter, comme une sorte de mal séculaire. De ce matériau qu'ils pétrissent en renouant avec l'élan obscur des Grands Anciens, suinte l'essence taciturne de ce black metal figé dans l'antre de la nuit. Cette somme nous procure l'envie d'entendre davantage en espérant que Sieta Lagunas n'en reste pas là... (28.04.2020 | LHN) ⍖⍖
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire