20 août 2020

Billy Wilder | La garçonnière (1960)




 

Billy Wilder tenait La garçonnière pour son film préféré avec Le gouffre aux chimères. On ne peut que lui donner raison. Sans doute parce que sous son air faussement léger est tapie comme dans les meilleures comédies, une critique virulente de la société moderne. Qu'est-ce que le réalisateur flanqué de son fidèle complice L.A.L. Diamond nous donnent à voir ? Une société américaine mue par l'arrivisme où les femmes ne sont que des objets de conquête et les hommes, de simples machines déshumanisées, à l'image de cette salle immense où les employés ne font qu'un avec leur bureau semblable à des milliers d'autres. C'est la standardisation poussée à son paroxysme. Aux côtés de cadres machistes, C.C. Baxter n'est qu'un salarié anonyme, un monsieur tout le monde qui ne songe qu'à gravir les échelons en utilisant, un peu malgré lui, son appartement devenu la garçonnière de ses supérieurs mais qui finira par devenir un homme (un 'mensch') en renonçant à l'ascension sociale qui lui est promise mais à quel prix... Jack Lemmon est parfait dans la peau de ce personnage touchant au point qu'on n'imagine pas quelqu'un d'autre pour l'interpréter. Derrière son sourire et sa bonne humeur apparente se cache toute la solitude générée par ce monde égoïste. Le comédien trouve en Shirley MacLaine une partenaire magnifique de naturel.




Le fond, d'une intelligence rare et d'une modernité terrifiante, ainsi que le scénario impeccable, régi par une mécanique d'orfèvre, trouvent dans la mise en scène de Wilder un écrin brillant, témoin la scène du miroir brisé qui se passe de dialogues pour saisir avec un minimum de moyens et un maximum d'effets, les peines du pauvre Brin d'amour.  L'utilisation des décors (d'Alexandre Trauner), la photo en noir et blanc de Joseph LaShelle, tout concourt à créer un quotidien triste et monotone qui transpire la solitude (l'appartement de Baxter où il mange seul un plat réchauffé devant sa télévision). Sous ses airs de vaudeville théâtral, l'oeuvre est espiègle et dynamique. D'une constante drôlerie, elle fait un bien fou malgré sa noirceur car l'amour et les valeurs simples préféreront que la société cherche à leur imposer, y triomphent in fine. Une des meilleures comédies américaines, tout simplement qui, soixante ans plus tard, n'a donc rien perdu de sa force et de sa pertinence. (vu le 21.06.2020)

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