Le cinéma est plein de ces rencontres fertiles entre un réalisateur et un acteur. John Wayne et John Ford, Clint Eastwood et Don Siegel, Robert Redford et Sydney Pollack, Robert de Niro et Martin Scorcese ou bien justement Klaus Kinski et Werner Herzog. Ces deux-là accoucheront de cinq films entre 1972 et 1987, parmi lesquels Aguirre, la colère de dieu demeure le plus emblématique (avec Fiztcarraldo) sinon le plus culte. Pour son deuxième long métrage, Herzog s'inspire de la vie de Don Lope de Aguirre, conquistador dont l'histoire a été racontée par Gaspar de Carvajal. Ceux qui espérent y trouver un grand spectacle épique hollywoodien en seront cependant pour leur frais et devront plutôt se rabattre sur (l'inodore) Mission de Roland Joffé pour cela. Artisan du nouveau cinéma allemand des années 70, le réalisateur goûte peu aux morceaux de bravoure, à l'héroisme, auxquels il préfère l'échec et la folie des hommes. Aguirre est donc un film d'aventures sans aventure. Si elle déserte l'écran, celle-ci marque en revanche un tournage aux conditions âpres, théâtre des relations difficiles entre Herzog et Kinski, autant d'épreuves dont l'oeuvre se nourrit. Dans la peau de ce personnage à la fois médiocre et mégalomane sans une once de flamboyance, le comédien habité, possédé même, bouffe peu à peu l'écran pour finir seul sur ce radeau à la dérive. Ce film lui permettra de s'extraire du cinéma de genre qu'il continuera néanmoins à besogner pour le meilleur et pour le pire. La musique de Popol Vuh associée à ce rythme lent, à ce refus du romanesque et de l'action aboutissent à une création teintée d'étrangeté, baignant dans une ambiance irréelle. Budget rachitique et accueil frileux mais un film devenu culte au fil du temps. (vu le 19.05.2020)
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