11 juillet 2020

CinéZone | Sidney Lumet - Douze hommes en colère (1957)




Au départ de Douze hommes en colère, il y a moins un téléfilm, réalisé en 1954, qu'un magnifique scénario de Reginald Rose dont le potentiel séduira Henry Fonda. Pour l'adapter au cinéma, il choisit Sidney Lumet qui, s'il n'a alors oeuvré que pour la télé, bénéficie d'une excellente réputation de technicien. Le comédien a eu le nez creux car le réalisateur signe là, selon la formule consacrée, un coup d'essai aux allures de coup de maître. Il réussit la gageure de nous captiver en ne filmant qu'un groupe de bonshommes enfermés dans une pièce qui, autour d'une table, doivent juger un jeune homme accusé de meurtre. Son expérience télévisuelle lui dicte une approche à l'économie, ce qui ne lui interdit pas un remarquable travail de mise en scène, entre ce beau plan séquence en ouverture, ces discrets mouvements d'appareil qui ne cessent de balayer cet espace unique ou ces plans de plus en plus rapprochés sur les visages des jurés. Il faut dire que Lumet dispose d'un matériau passionnant d'une grande richesse psychologique. Et d'une grande force qui repose uniquement sur la joute des douze protagonistes.  Ceux-ci puisent dans un large éventail sociologique et professionnel. On devine peu à peu leur caractère, leurs fêlures, lesquelles nous éclairent quant à leurs choix et la façon dont ils perçoivent le crime qu'ils ont à juger. 

Certains sont sympathiques, d'autres beaucoup moins. Chacun se révélera dans son humanité (le n° 9), sa haine (le n° 10), son indécision (le n°12) ou pire, son absence d'opinion (le n°7). S'il est le "héros", en ce sens qu'il est d'abord le seul à douter de la culpabilité de l'accusé, Henry Fonda ne tire jamais la couverture à lui, se positionnant au sein d'un groupe qu'il va peu à peu retourner. Des plus connus Ed Begley, Lee J. Cobb, Jack Warden aux plus anonymes (Joseph Sweeney), tous les acteurs se glissent parfaitement dans la peau de leur personnage. Avec intelligence, le meurtre n'est pas montré mais ces échanges suffisent à nous en transmettre une image assez précise quand bien même le film illustre que la vérité reste subjective. Ainsi toute la démonstration du juré n°8 ne repose que sur de fragiles suppositions. L'accusé est-il en réalité bel et bien innocent ou coupable. La réponse ne nous est pas délivrée par une oeuvre qui questionne sur le système judiciaire américain dont elle souligne la grandeur mais aussi les failles. Basé sur le triptyque unité temps, de lieu et d'action, Douze hommes en colère offre une vraie leçon de cinéma, s'imposant comme l'un - sinon le - des meilleurs films de Sidney Lumet et dont William Friedkin signera un pale remake télévisuel.  (vu le 23.05.2020) ⍖⍖⍖⍖



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