31 juillet 2020

James Ivory | Les vestiges du jour (1993)






Deux ans après Retour à Howards End, James Ivory réunit à nouveau Anthony Hopkins et Emma Thompson pour une réussite plus grande encore. Osons même l'affirmer, Les vestiges du jour peut être considéré comme un des meilleurs films des années 90. Sous couvert d'une romance contrariée entre un majordome et une intendante à l'intérieur des quatre murs d'un château anglais à la veille de la Seconde Guerre mondiale, le réalisateur tisse avec élégance une oeuvre d'une belle complexité reposant sur plusieurs strates qui se chevauchent. Le passé (les années 30) et le présent (1959) se répondent tout du long de cette histoire adaptée du roman de Kazuo Ishiguro. Le cadre est celui-ci d'une armée de domestiques qui s'affaire dans les entrailles de Darlington Hall. A leur tête se trouve Stevens dont le film est avant tout le portrait sacrificiel. Entièrement dévoué à sa fonction et à son maître, allant jusqu'à se faire humilier par ses invités, il refoule ses sentiments, ses passions, choisissant de s'effacer au service de sa seigneurie. Anthony Hopkins, magistral et toute en intériorité, parvient pourtant à exprimer par son seul regard, les doutes et les regrets de son personnage qu'il s'agisse de la mort de son père et surtout de l'amour manqué avec Miss Kenton.  Avec beaucoup de délicatesse, sans pathos, Ivory filme ces deux destins qui se croisent et passent à côté du grand amour. Tout est en non-dits, en émotions silencieuses, en désirs dissimulés comme l'illustre cette scène anodine en surface et pourtant très érotique, où Emma Thompson insiste pour connaître le livre que Anthony Hopkins est en train de lire, allant jusqu'à lui arracher des mains en une étreinte charnelle, dans l'intimité d'une pièce avalée par une semi obscurité. Stevens restera prisonnier des froides pierres de cette bâtisse comme le suggère cette curieuse conclusion qui voit un pigeon s'égarer à l'intérieur du château avant que le majordome ne lui ouvre la fenêtre pour qu'il s'échappe et retrouve ainsi sa liberté. Contrairement à lui.




A cette romance avortée s'incruste l'Histoire avec un grand H, celle de ces Anglais qui cèdent à Hitler au milieu des années 30 au nom d'un pacifisme mortifère. Là encore, Ivory use de beaucoup de subtilité pour peindre ce contexte qui, bien qu'en arrière plan, éclaire sur l'abnégation du personnage principal qui voue une confiance aveugle à son maître. Le film témoigne enfin des rapports de classes qui régissent l'Angleterre où, par leur fidélité désuète les domestiques apparaissent comme des esclaves. Il convient de mettre également au crédit du film la musique d'une obsédante mélancolie de Richard Robbins. Le réalisateur ne fera plus jamais aussi bien. Suivront ainsi les décevants Jefferson à Paris ou Surving Picasso et d'autres encore, ne suscitant qu'une indifférence polie. Si Emma Thompson trouvera encore quelques beaux rôles (Raison et sentiments, L'invité de l'hiver), tel ne sera pas le cas d'Anthony Hopkins dont Les vestiges du jour marque l'apogée de la carrière malgré la quantité de films accumulés depuis entre cabotinage et cachetonnage. (vu le 06.06.2020) ⍖⍖⍖⍖

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