Au moins, quand un groupe décide de baptiser son album "Cadavre", est-ce l'assurance d'un bon gros quartier de musique qui sent la charogne, promesse d'un abîme malsain aspirant toute trace de vie et de lumière. Dont acte. Mais de toute façon, qu'espérer d'autre de la part de Deveikuth, sans doute l'une des bestioles les plus dérangeantes, les plus perturbantes, les plus extrêmes dans sa noirceur prolifératrice, que notre hexagone ait jamais mis bas. Nombre de formations aiment prétendre être la plus evil, la plus nihiliste, mais rares sont celles qui le sont réellement. Si cet hydre à deux tête se moque bien de ce genre de stériles compétitions, force est d'admettre qu'il renvoie dans le bac à sable d'une cour de récré toutes ces faces de pandas persuadés qu'il suffit de prendre la pose en faisant la gueule pour paraître diabolique.
Avec Deveikuth, le compteur Geiger s'affole, s'enfonçant dans un puits sans fond et le dernier cran avant que l'Homme ne se transforme en bête est franchi. Il y a quelque de chose de malade, de corrompu, et même une espèce de folie, dans ce maelström ferrugineux qui n'a de doom que le nom. Certes, c'est lent, le tempo presque immobile, prisonnier d'une geôle de puanteur mais ça hurle comme un aliéné errant dans des boyaux insondables et l'ensemble est corrodé par la rouille nouant au final plus de liens avec le black bruitiste martelé par Abruptum qu'avec des marches funéraires dont il ne partage guère qu'une même force souterraine et doloriste. Ni beauté ni espoir ne s'accrochent à cette masse grouillante de négativité.
Si depuis "VII-n-III", le duo a quelque peu dégraissé son écriture, sans pour autant descendre en-dessous de la barre des neuf minutes au garrot, les quatre pistes remplissant le ventre de "Cadavre" n'en épousent pas moins la forme d'horribles déambulations dans les profondeurs d'une fosse commune. Derelict douloureux, 'Ritual' progresse le long d'un charnier, ses géniteurs constamment au bord de la rupture, à l'unisson d'une démence qui s'abat dans un fracas de guitare déglinguée et de rythmique ankylosée. Par-dessus, le chant (?) hurle et dégueule ses tripes poissées d'un liquide obscur. A l'image de son titre éponyme qui tient du supplice, inexorable Golgotha qui semble ne jamais vouloir s'achever, 'Cadavre' a quelque chose d'un cancer qui répand sa nocivité avec une démesure dans la laideur la plus corrosive. A peine notera-t-on de timides lueurs s'échappant du diptyque 'Void', bâtisse en ruines posée au milieu d'un terrain gorgé de mort et dont les portes ferment cette ode mortifère qui repousse très loin les limites d'une noirceur fiévreuse... (16.04.2020 | LHN) ⍖⍖⍖
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