14 mai 2020

Rattenfänger | Geisslerlieder (2019)




Des quatre projets que besogne actuellement Roman Saenko, Rattenfänger reste, avec Precambrian qui n'a pour le moment pas encore dépassé le stade de l'EP, celui qui est le plus méconnu. Peut-être parce contrairement aux trois autres, il ne dresse pas les couleurs de l'art noir, qu'il soit atmosphérique et patriotique (Drudkh) ou plus glacial et cosmique (Windswept), mais plante son manche dans la fente du death metal, genre auquel le nom de l'Ukrainien n'est pas vraiment associé. Ou peut-être tout simplement parce que "Geisslerlieder" n'est que le deuxième signe de mort de Rattenfänger, succédant (enfin) à l'originel "Epistolae Obscurorum Virorum" (2012). Ce faible rendement tranche avec la créativité compulsive dont Saenko fait preuve avec Drudkh, son principal port d'attache, qui laisse rarement filer une année sans offrir un nouvel album ou au moins un split, même si son légendaire stakhanovisme commence peu à peu à s'éroder. Succédant, dans la discographie extrêmement fournie de l'ancien Hate Forest à "The Outlooker" qu'il a livré en 2019 sous la bannière de Windswept, "Geisslerlieder" a, qui plus est, vu sa conception s'étaler sur de nombreuses années, entre 2011 et 2018 tandis que le riff d'ouverture du titre 'Les Bons Hommes' est même daté de 1993 (!), donc longtemps avant la naissance du groupe. Cette réalisation morcelée dans le temps ne nuit cependant ni à la cohérence ni à la réussite de cette deuxième cuvée qui, en toute logique, creuse le même sillon que sa lointaine devancière. S'il explore avec Rattenfänger un territoire éloigné, sur le papier tout au moins, du black metal sculpté par ses autres projets, Roman Saenko ne se départit toutefois jamais d'une écriture reconnaissable entre mille, d'autant plus que ses habituels compagnons de route, Thurios (ici simple guitariste), Krechet (basse) et Vlad (batterie) l'accompagnent comme toujours. On reconnaît dans ce groupe et dans "Geisslerlieder" en particulier le goût pour les atmosphères sinistres, comme échappées d'un Moyen-Âge sombre et pestilentiel, guetté par l'Apocalypse, temps obscurs qui ont déjà inspiré à l'Ukrainien son projet dark ambient, Dark Ages, désormais dans la fosse. Le nom du groupe est d'ailleurs emprunté à la légende du joueur de flûte de Hamelin. Dans ses moments les plus rapides et agressifs, l'album n'est pas sans rappeler Hate Forest ('Les Bons Hommes'), filiation à laquelle participe le fait que Saenko beugle dans le micro d'une voix bien caverneuse ('Stella Stercocaria' dont l'accélération finale convoque les mêmes souvenirs), comme il le faisait avec cette défunte entité. Le tempo demeure cependant le plus souvent terriblement lourd, ankylosé, prisonnier d'une gangue funeste ('De Blasphemia In Latina Vulgaris'). Dans ce registre rampant, qui fouille le charnier d'un death implacable à la Bolt Thrower, le quatuor se montre plus que convaincant au point de nous faire regretter qu'il ne l'exploite pas davantage, à un moment où Drudkh, lessivé, parait tourner en rond et avoir perdu depuis longtemps ce qui faisait son essence.On se prend à rêver pour Rattenfänger d'une carrière moins émiettée, plus régulière. "Geisslerlieder" incarnera-t-il ce nouveau départ ? Qu'il ait été enfanté sur une si longue période n'augure cependant pas d'un avenir limpide : il est à craindre que ce groupe ne demeure qu'un simple exutoire pour des musiciens désireux d'épancher leur soif de death metal quand le besoin s'en ressent... (08.03.2020 | Music Waves) ⍖⍖⍖


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