14 avril 2020

Ryte | S/T (2020)




L'hiver est là et on peut toujours compter sur Heavy Psych Sounds, l'écurie menée par Gabriele Fiori (Black Rainbows), pour remplir notre cheminée d'excellentes bûches. En ce début d'année 2020, ce n'est pas sa terre natale que l'Italien a tamisé mais le sol autrichien. Il y a déniché Ryte dont il publie la première enclume. Au menu, quatre pistes, oscillant entre huit et douze minutes au jus environ. Ces titres sont longs, très longs même. Et quasi instrumentaux, ce qui rend plus ardu encore l'exercice car grand est souvent le risque, pour des musiciens ivres d'eux-mêmes,  de s'égarer en chemin. Et le pèlerin avec. Heureusement, ce quatuor ressemble davantage à des hardos échappés des seventies rassemblés pour une orgie jamesque qu'à des techniciens sans âme adaptes de la branlette instrumentale. Si le fait qu'il ait été signé par Heavy Psych Sounds semble vouloir l'arrimer au stoner dont le label s'est fait une spécialité, le groupe lui-même affirme ne pas avoir grand chose à voir avec cette mouvance, lui préférant l'étiquette heavy tout simplement. Ni stoner donc ni vraiment psychédélique (ou alors si peu), Ryte pourrait être rejeton furieux né de la copulation sauvage entre Black Sabbath et le Iron Maiden période Di Anno. Du premier, il tire ses traits plombés, taillés au burin dans une roche noire. Du second, il extrait ce sens de la progression et ce goût pour les harmonies de guitares.



De ce jumelage résulte une puissance du feu de dieu qui propulse ce galop d'essai sur les sentiers de la guerre. A l'image du mammouth  au regard démoniaque qui remplit sa pochette, celui-ci écrase tout sur son passage, à des années-lumière d'un rock mou de la douille, noyé dans les effluves d'une pipe à eau. Les Autrichiens allient la force tendue d'un mastodonte à la beauté de mélodies imbibées de feeling, témoin l'inaugural 'Raging Mammoth' lequel, en un peu moins de huit minutes résume à lui seul la façon dont le groupe imbrique la lourdeur du proto doom à l'énergie galopante d'un heavy traditionnel. Sous ses airs de jam incontrôlée, 'Shaking Pyramid' bâtit peu à peu un monument dont on sillonne les couloirs brisés par de multiples cassures aux allures de rampe de lancement pour une guitare nourrie d'un psychédélisme incandescent. Si nous sommes tout étonnés d'y  croiser des bribes vocales, celles-ci sont vite balayées tel un fétu de paille par une rythmique de bulldozer jusqu'au pachydermiques ultimes mesures. Avec 'Invaders', l'album voit ses traits se durcir et le ton s'assombrir. Le tempo piétine cependant que les guitares atteignent le point G d'une émotion sourde avant d'achever le titre sur une véritable orgie de décibels et de fuzz. Les racines heavy explosent lors du terminal 'Monolith' qu'ornent des arabesque épiques, ouvrant les vannes d'harmonies guitaristiques que ne renierait pas Thin Lizzy. Avec ce premier jet, Ryte signe un coup de maître, hôte d'un heavy doom aussi rugueux que rageur où la force trapue répond à une progression nerveuse et gourmande.   (11.02.2020) ⍖⍖⍖

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