10 avril 2020

Raptor King | Dinocosmos (2019)




A l'heure de la musique (française avant tout) formatée jusqu'à l'indigestion, aussitôt consommée aussitôt oubliée et qui ne cherche surtout pas à se démarquer, il y a heureusement Raptor King. Non pas que le groupe soit la plus grande invention qui nous ait été donnée d'écouter mais sa folie et son absence de sérieux font tout simplement du bien. Mais derrière le délire de ce casimir vicieux et énervé se planque une espèce d'O.M.N.I. (objet musical non identifié) beaucoup plus malin qu'il n'en l'air, jouet entre les mains de mecs qui savent utiliser leur outillage. De la texture faussement bordélique d'un brouet aux relents frelatés de sludge et de hardcore. En cinq ans et deux EPs les Franciliens ont su façonner un univers qui leur est propre, bariolé et déjanté. Troisième et - dernière aventure de Raptor V, "Dinocosmos" projette le reptile dans l'espace après avoir pris une branlée par son ennemi juré Pelletor. Une fois sur la lune, il y meurt mais son rejeton, Electric Dream Salamandar, ne tarde pas à prendre la relève et à se venger.  Ce récit commande au groupe un artwork à nouveau de toute beauté, œuvre du fidèle Mark Gregory et surtout de libérer une expression plus démentielle encore, totalement affranchie des codes et des frontières, et qui confirme, si besoin en était encore, son effronté talent. Et son audace. Ainsi, rien n'effraie le dinosaure qui n'hésite pas à dresser d'emblée un temple haut de presque neuf minutes furieusement progressives, amorce épique qui ne l'empêche pas de tout balayer dans son sillage avec sa queue massive et striée de nervures aiguisées.



Composition-fleuve où éclate leur génie, 'Moon Cavern' dévoile le tribut que ses créateurs doivent à Devin Townsend auquel on est bien obligé de penser et avec lequel ils partagent cette même schizophrénie mêlée d'une maestria échevelée. Limpide quand il est clair ou féroce s'il siffle une bouteille de Destop, le chant de Raptor n'est en outre pas si éloigné que cela des vocalises azimutées du Canadien fou. On ne soulignera à ce titre - et encore un fois - jamais assez la performance puissante du monarque. Plus trapus et à priori directs, les quatre titres suivants n'en bouillonnent pas moins d'une abondance exaltée entre un 'Salamandar' testiculeux ou un 'The King's Legacy' où copulent éructations porcines, orgues échappées des années 70 et chœurs de fausset dans le creuset brûlant d'un death metal écartelé par des perforations atmosphériques. Que dire de cet 'Extraplanetar' dont le socle lourd et nimbé de lointaines effluves stellaires sert de piste de décollage pour le roi qui vocifère aux quatre vents cependant que rythmique galopante et guitare acérée se déchaînent en une partouze hallucinée. N'oublions pas non plus le terminal 'The Art Of Winning' qui résume à lui seul la façon dont Raptor King passe à la moulinette toutes les influences que ses veines charrient, en un brûlot intense à la fois brutal et cristallin, hargneux et aérien. Le hurlement final sonne la fin du périple, comme si on se réveillait d'un long cauchemar. Avec "Dinocosmos", Raptor King franchit encore une étape allant encore plus loin que sur ses deux premiers albums., inventeur d'un sludgecore cosmique. Ce faisant, il clôt en beauté la saga de Raptor V. Celui-ci n'est plus mais vive Salamandar ! (09.02.2020 | Music Waves)




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