20 avril 2020

Deliverance | Holocaust 26:1-46 (2020)




Sans doute parce que ses deux têtes pensantes, le chanteur Pierre Duneau (Memories Of A Dead Men) et le guitariste Etienne Sarthou (AqME), ne sont pas issus du sérail, Deliverance n'est pas un groupe de black metal tout à fait comme les autres, tentant l'alliance entre art noir et sludge, ce qu'il n'est du reste pas le seul à réaliser, pour aboutir à quelque chose de pourtant viscéralement glacial et tourmenté. De fait, les Français ont finalement  toute leur place au sein d'un genre qui a démontré depuis longtemps sa capacité à évoluer, à s'affranchir des règles, à enjamber les frontières. Les ayatollahs pesteront pourtant face à cette musique hybride et protéiforme. Tant pis pour eux car il faut être sourd ou de très mauvaise foi pour ne pas mesurer toute la froide et corrosive noirceur qui s'écoule des plaies béantes que scarifient des musiciens dont le métier et la force visionnaire leur commandent une expression techniquement irréprochable et néanmoins authentiquement sinistre. Après "Chrst" qui en a torturé plus d'un, le groupe met bas ce '"Holocaust 26:1-46" qui réussit le pari de sonner encore plus black que son prédécesseur tout en expérimentant encore davantage. Ce qui peut paraître antinomique. Le résultat est pourtant là, toujours aussi frissonnant, toujours aussi tranchant, toujours aussi désincarné. Sa défloration n'en demeure pas moins ardue, pénible tant le groupe refuse tout compromis, ne cédant jamais aux sirènes de la facilité. On peut même affirmer qu'il ne cherche surtout pas à brosser le pèlerin dans le sens du poil, à l'image de 'Saturnine' qui ouvre cette œuvre d'une austérité bressonienne. Austère, cette amorce a quelque chose d'une longue et pétrifiée errance où la beauté a été mise en jachère. 



D'une âpreté maladive, le chant de Pierre participe avec ce tempo souffreteux à l'érection d'un décor à la fois crépusculaire et rongé par la folie. Si, titre le plus norvégien du lot, 'Sancte Iohannes' répand un blizzard glacial dans les lugubres corridors d'un château avalé par la brume - encore que certains détails viennent perturber cette lecture -, rarement "Holocaust 26:1-46" emprunte la route qui lui semble promise. Ainsi, passée une entame déchaînée, 'God In Furs' serre très vite le frein à main, traçant dans le sol un gouffre au fond duquel germent des nappes d'ambiances funèbres. Et que dire de 'The Gyres' dont l'introduction nimbée d'un psychédélisme floydien semble être vomie de nulle part. Le reste du morceau renoue avec la force rampante et déglinguée de 'Saturnine' qui a servi de patron à l'album, avant que cette voix noyée sous un halo spectral ne resurgisse en fin de parcours. Nous la croisons de nouveau un peu plus loin le temps de 'Holocaust...' qui dévide ce rythme ankylosé que creusent des guitares polluées au goût de rouille jusqu'à cette dernière partie qui tricote des instants de mort au-dessus d'un puits sans fin. Et si 'Makbenach' ravive les flammes du pur black metal c'est pour mieux ensuite nous égarer dans les méandres malsains d'un rock hanté et contrit. Allaité, comme son prédécesseur,  aux seins de la religion, on devine toutefois que "Holocaust 26:1-46" recourt à ce thème comme d'un terreau pour développer un récit plus personnel dont les six morceaux forment les chapitres successifs. Ce faisant, Deliverance continue de bâtir un édifice qui n'appartient qu'à lui, qu'il corrompt de kystes extérieurs pour au final étaler une noirceur plus austère et palpiter d'une sève plus black metal encore. (16.02.2020 | Music Waves) ⍖⍖⍖




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