9 février 2020

[LR] Dark Breath Fest II (Bourg-en-Bresse - 7 & 8 /12/2019)




Organisé par Christian Bivel, fondateur du label culte Adipocere avec l'aide précieuse de Sylvie, sa moitié, la seconde édition du Dark Breath festival se tenait les 7 et 8 décembre dans les entrailles de la MJC de Bourg-en-Bresse.


Si le lieu, promis à la destruction, ne fait pas rêver, il aurait pourtant été dommage de rater l'événement car les quatorze groupes qui se sont succédé durant le week-end, ont particulièrement assuré, composant un étal équilibré où sont convoqués aussi bien le death, le thrash, le heavy, le gothic, le hard et plus encore le vilain black metal, particulièrement à l'honneur sur cette affiche généreuse. Peu de grands noms vendeurs et à même de fédérer un large public sans doute mais des combos qui tous méritent d'être découverts par ceux qui ne les connaîtraient pas encore.


Le premier jour est placé sous le signe de l'éclectisme. Illustration. Devant un parterre encore clairsemé, Sharked entame cette seconde édition avec son gros death metal énervé et testiculeux. Si nous sommes d'abord un peu surpris de reconnaître, l'Abbé SM, chanteur de Rozenkreuz, ici dans un registre plus caverneux où nous ne l'attendions pas, force est d'admettre que l'homme se montre tout aussi à l'aise en sautant partout, vociférant comme une bête en rut. Christ troglodyte, il assure le spectacle, flanqué par ses compagnons chargés d'abattre ce metal puant la charogne. En quarante minutes, la messe est (bien) dite. 


Le public grossit nettement lorsque Bad Tripes investit la scène. Et pour cause, ces Marseillais échappés d'une fête foraine, possède un atout de poids dans leur corset : Hikkiko Mori, chanteuse montée sur des ressorts aux allures de poupée désarticulée qui attire (forcément) vers elle, par ses outrances tant gestuelles que verbales, tous les regards. La bouche pleine de paroles au goût de souffre, elle n'a peur de rien, n'hésitant pas à fendre le public ni à se dépoiler progressivement, armée de son micro/godemichet ! Ses comparses ne sont pas en reste, entre un bassiste vêtu d'un kilt et un batteur déguisé en Hannibal Lecter. Entre cabaret burlesque et asile peuplé de freaks, le groupe nous plonge dans son univers décadent et malsain avec une énergie contaminatrice. La curiosité passée, on finit par être séduit (?) par cette prestation haute en couleurs (noires), inondant un rock hybride, un peu punk, un peu garage et surtout franchement jouissif !


Etonnamment bas sur l'affiche, Mercyless déboule ensuite. Oppressant et vicié, le ton n'est plus le même. L'auditoire non plus. Les Alsaciens démontrent qu'ils ne sont pas seulement les patriarches de la scène death française (ou pas) mais avant tout les patrons du genre. Pas de longs discours ou d'artifices et encore moins de poses faussement belliqueuses, juste du death en tube, old school et puissant, mortifère et souterrain. Max Otero et sa bande ont le genre chevillé au corps, cela transpire de leur attitude et d'un art brutal capable d'ouvrir les entrailles la terre. Une leçon. 


Avec Iron Bastards,  changement de registre à nouveau.  Le trio prodigue un fast rock 'n' roll biberonné à Motörhead trempé dans une huile de vidange graisseuse. On pense à Lemmy pour le chanteur mais les compos, excellentes, sont là. De même qu'une bonne humeur et un ton goguenard. Propulsé par un batteur infernal et un guitariste au jeu imbibé de wah-wah, le groupe envoie la sauce sans se prendre au sérieux, à l'image de ces pancartes brandies entre les morceaux. Les extraits de Fast & Dangerous et Cobracadabra donnent franchement envie le suivre de (très) près.


C'est au tour des Lyonnais de Porn d'investir la scène de la MJC. Si son nom peut faire fantasmer et laisser imaginer un spectacle torride, le groupe fraye dans les sombres et mélancoliques méandres d'un gothic rock parfois martial et empreint d'un romantisme désespéré, attirant à lui une audience plus féminine. Evoquant Paradise Lost, les musiciens sont grimés, ce qui participe d'une ambiance pesante voire quasi religieuse. Une reprise fédératrice du Call Me de Blondie et l'irruption de l'abbé SM au milieu ont émaillé cette représentation ténébreuse.  


Anciennement baptisé Öblivion, KingCrown accueille dans ses rangs, outre le bassiste Markus Fortunato, les frères Amore et ex Nightmare, David et Jo, le premier derrière les fûts, le second, au micro. Sauf que, hospitalisé, le chanteur ne peut assurer le concert, remplacé pour l'occasion par la front-woman de Manigance, Carine Pinto. Sa maîtrise du répertoire du groupe ainsi que l'évidente complicité qui la lie à ses compagnons d'une soirée ne permettent pas d'imaginer qu'elle n'a eu que très peu de temps pour préparer l'événement. Distillant charme et entrain, la belle s'en sort avec les honneurs, soutenue par un public entièrement acquis à sa cause. 


Enfin, Drakkar s'installe pour clore cette première journée. Beaucoup ne les connaissent pas ou les ont oubliés mais ces Belges sont des vétérans chevronnés, porte-étendard d'un heavy speed mâtiné de punk ancré dans les années 80. Leur bonne humeur couplée à une efficacité tranquille leur assurent un beau succès, auquel n'est pas étrangère la verve du chanteur Leni aussi imposant que sympathique. Et qu'importe que la salle se soit vidée, la formation est heureuse d'être là et le fait savoir en se donnant sans compter. Respect. 


Plus enténébrée et brutale, la programmation du second jour attire un public un peu plus nombreux, comme en témoigne d'entrée de jeu le set de Catubodua. Chargé de lancer les hostilités, de préparer le terrain avant la bataille qui s'annonce féroce, le groupe n'a pas à rougir de la comparaison avec ses aînés qui lui succéderont tout au long de la journée. En dépit du caractère encore un peu statique de ses membres, sa jeunesse ne transparait pas d'une prestation placée sous le signe d'un black glacial et épique qui ne manque ni d'épaisseur ni de qualité. On devine l'empreinte d'Himinbjorg ou de Evohé dans cet art noir riche d'une emphase païenne. Le temps qui lui est imparti aura suffi au quatuor pour conquérir le public séduit par les extraits de Maruos, sa première offrande (après un EP éponyme). 


Venu de Lons-Le-Saunier, Obsession est un combo bien connu dans la région. Fidèles à eux mêmes, avec ce bon vieux thrash des familles, les gars s'amusent sans sacrifier en efficacité rageuse, véritable appel à un headbanging sauvage. Comme lors du Poul Hard, le groupe nous sert quelques nouveaux titres et la baffe est encore une fois au rendez-vous. Avec une puissance digne d'un bulldozer lancé à pleine vitesse sur un champs de bataille, truc et bidule arrachent tout dans leur sillage sans faire de prisonniers. On en redemande. C'est pourtant leur avant-dernier concert avant une pause destinée à graver le successeur de Century Of Decadence.  


Avec Griffon, l'ambiance se révèle moins festive, black metal oblige. Rodés à la scène, les Parisiens délivrent une performance impressionnante de haine contenue, presque martiale dans sa froideur désincarnée à laquelle participe le halo trouble d'un éclairage brumeux. Guidé par Aharon, interprète possédé d'un répertoire tourmenté, le concert monte en intensité, pour culminer lors de ses deux derniers morceaux aux allures de rituels oppressants et chamaniques.  


Cela fait longtemps que nous suivons Nydvind et celui-ci ne déçoit jamais sur scène, sa barre fermement tenue par Richard Loudin, personnage bien connu de la chapelle doom (Despond, Monolithe) et black (Bran Barr) hexagonale. Venir jouer dans l'Ain revêt pour le groupe un caractère spécial car ses débuts ont été placé sous l'égide du défunt Sacral Productions. Au moment de lancer le titre "", Richard ne manquera d'ailleurs pas de saluer la mémoire de son regretté label manager Cédric Ridet et par là-même son complice Christian Bivel. Bien qu'affichant un line-up pour moitié rénové (composé de musiciens de session), les Vikings se montrent conquérants comme à leur habitude. Le son est clair, écrin tranchant d'un black majestueux et acéré qui sent l'embrun venus de fjords éternels. Arc-bouté sur sa guitare, Richard n'est pas avare de sa personne, fidèlement épaulé par Nesh, le temps d'un nouveau titre, délaissera sa basse pour un bouzouki. Cet inédit permet au groupe d'annoncer l'enregistrement d'un nouvel album, s'excusant de laisser filer toujours autant de temps entre deux opus. Sans doute une des meilleures performance du week-end. 


Puis déboule South Of Hell. On ne s'attendait pas à tel carnage interrompu où le contact avec le public est réduit au strict minimum. Le groupe basé en Savoie, porte bien son nom car c'est bien l'enfer qui s'ouvre sous nos pieds durant ce set d'une rare intensité. Si la scène parait presque un peu trop grande pour le groupe, deux de ses membres se détachent particulièrement, le guitariste Fargio et le batteur Sophiane Farah qui, non content de taper comme une mule sur ses caisses, vocifère comme une bête qu'on égorge. Brutal et presque grind par moment, c'est un death metal old school et sans concessions que dégueule SOH avec une colère dévastatrice que les crevasses abyssales qu'il perfore, rend plus terrifiant encore. 


Retour à l'art noir avec Aorlhac. Si l'attitude de son chanteur, Spellbound, à l'énergie débraillée, peut paraitre décalée, elle participe cependant de la noirceur crasse d'un black échappé de temps reculés et barbares. Auteurs de trois offrandes remarquées, nos troubadours font le plein d'un public dont une bonne partie s'est déplacée pour eux. Ils délivrent une performance dont le redoutable mordant ne l'exonère pas d'une grande force mélodique.  


Mais la fin du festival approche. Sangdragon remplit la scène de la MJC avec sa troupe spectaculaire que composent pas moins de sept protagonistes dont un percussionniste et une choriste. Leurs tenues chamarrées et les bougies posées sur la scène suffisent à nous transporter loin du quotidien, à une époque guerrière empreinte de magie aux couleurs du fer et du sang. Autour de Lord Vincent, le maitre de cérémonie, le groupe a plusieurs vies, troquant le nom de Daemonium pour celui de Akhenaton avant de devenir Sangdragon. Difficile de résumer en un concert cette carrière longue de près de vingt-cinq ans, d'autant plus que le style pratiqué est unique. Plus qu'un simple concert, c'est une représentation que cette cohorte nous offre, achevant en beauté ces deux jours placés sous d'un metal aux multiples visages. 


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