28 février 2020

Hope Drone | Void Lustre (2019)




Du black metal australien, on connait surtout la scène de la Nouvelle-Galles du Sud, qui se confond avec les noms de Ill Omen, Pestilential Shadows, Funeral Mourning ou le défunt Austere. S'il partage avec certaines des hordes citées, le goût pour les longs développements, écrins bourgeonnants de sombres univers, Hope Drone ne noue en réalité aucun lien avec ces artisans plus orthodoxes ou suicidaires que lui dans l'expression d'un genre cependant toujours écrit à l'encre noir du désespoir. "Black atmosphérique", "Post Black" sont les étiquettes collées au groupe de Brisbane mais elles ne doivent pas effrayer ceux que leur simple énoncé risque de faire fuir, craignant un art soit mielleux ou (vainement) tourmenté. La forteresse que bâtit Hope Drone ne s'abîme dans aucun de ces pièges. Atmosphérique,  ce puissant édifice l'est certes mais dans le sens où ces compositions (fleuves) prennent le temps de respirer, déchirées par de vastes brèches dans lesquelles s'engouffrent de salvateurs rais de lumière. Tourmentée, on peut dire que cette construction épique l'est aussi en cela qu'elle déroule de tentaculaires ramifications qui se déploient sous la terre dont elles secouent la surface à la manière de gigantesques plaques tectoniques qui se chevauchent. Au black metal, les Australiens injectent d'autres influences, à la fois progressives et sludge. Dans la première, il puise une habileté technique accouplée à une beauté exponentielle, dans la seconde, ces vocalises écorchées, presque colériques, comme frottées avec du papier de verre. De là découle un ensemble rongé par des émotions tragiques, empreint d'une profonde négativité.



Quasiment quatre années se sont écoulées depuis "Cloak Of Ash", c'est dire si son successeur était attendu. La foisonnante et brutale richesse des soixante-trois minutes que "Void Lustre" étale, explique la longueur de ce tunnel dont le quatuor a eu besoin de venir à bout de cette masse grouillante, empilement de riffs imbibés de désolation, enchevêtrement pulsatif qui prend à la gorge. Poussé par une érection goudronneuse, ce deuxième effort possède quelque chose d'un bloc aux multiples faces dont une découverte fragmentée sinon désordonnée ne peut en extraire la moelle et la beauté. Par sa densité et sa progression, l'œuvre impose d'être déflorée dans son immersive globalité. Du haut de ses treize minutes, 'Being Into Nothingness' en ouvre les portes. Pour moitié instrumental, ce titre offre une entame aux allures de foudroyante élévation. Dès les premières mesures, le drame couve sous un vernis atmosphérique que le chant énervé de Chris Rowden ne tarde pas à écailler avant que la tempête ne s'abatte jusqu'à un final paroxysmique. Plus court (tout est relatif), 'Forged By The Tide' lui emboîte le pas sans temps mort, véritable concentré de souffrance.  Epicentre noueux, 'In Floods & Depths' illustre la façon, rare et déchirante, dont Hope Drone parvient à faire cohabiter puissance viciée et éclats de pure beauté en un magma torrentiel que rien ne peut venir barrer. Associées à d'hypnotiques rouleaux de batterie, de ces lignes de guitares s'écoule une détresse immense qui s'engouffre dans des boyaux  souterrains dont les parois sont lessivées par cette voix âpre pleine de fiel et de désespoir. 'This Body Will Be Ash' et 'In Shifting Light' remplissent la seconde partie de l'album, pièces labyrinthiques où s'exprime à nouveau cette science de la progression furieuse que des percées pétrifiées sectionnent, permettant de remonter à la surface pour reprendre son souffle avant de replonger dans les profondeurs de ces fosses abyssales d'une densité comprimée. Œuvre monumentale par sa démesure et sa fertile inspiration, "Void Lustre" embarque un black metal encrassé d'une noirceur tragique dont la force évocatrice lui permet de franchir les frontières du genre.   (03.01.2020) ⍖⍖⍖


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