Après une poignée de démos et deux offrandes matricielles, Errances oniriques (2000) et Spicilège (2002), taillées dans la roche froide d'un black metal abrupt et sévère et vers lesquels tendra sans doute toujours notre préférence, Belenos a ensuite fixé son style, plus furieux peut-être bien que sabré d'éclairs mélodiques et enraciné dans un humus païen. Se confondant avec son fondateur et (désormais) unique membre, Loic Cellier, Belenos est depuis considéré à la fois comme un des fers de lance de cette mouvance celtique et pagan et une des figures tutélaires de la chapelle black hexagonale. Le groupe, si tant est qu'on puisse le qualifier ainsi, bénéficie d'une aura bien particulière, imposant le respect, celui dû au mentor, au patriarche. Chaque nouvel album de sa part est attendu comme un Graal glacial et belliqueux. Pourtant, d'aucuns estiment que Belenos n'évolue plus guère désormais, sa signature figée dans le socle de Yen Sonn Gardis (2010), au point d'affirmer même que ses oboles finissent toutes par se ressembler. Ce qui n'entame pourtant en rien l'estime qui lui est accordée. Nous ne sommes pas d'accord avec cette réserve car, outre le fait que, eu égard à leur valeureuse réussite, nombreux sont ceux qui se satisferaient de tels opus, Argoat vient démontrer que Loic Cellier s'avère moins prisonnier d'une griffe, certes néanmoins aisément reconnaissable, qu'on ne le pense.
Alors bien entendu, dans les entrailles de cette huitième croisade (en comptant la relecture d'Errances oniriques), brûlent toujours cet art noir abrasif et torrentiel tavelé de chœurs majestueux mais son menu redouble d'une violence guerrière comme le breton d'adoption n'en avait pas fait souffler depuis longtemps. Karv-den puis Bleizken, lancent l'écoute ainsi avec une colère tempétueuse, emportée par un blizzard déchaîné. D'une vélocité implacable tout en perçant d'immenses et nobles paysages, Huelgoat galope dans les mêmes montagnes incisives et neigeuses russes ou ukrainienne des Walknut et autre Ulvegr, pour un résultat superbe dont n'est pas absente une mélancolie crépusculaire, laquelle suinte de ces riffs grésillants, cloués dans un sol hivernal. Et plus que dans son agressivité échevelée, c'est dans cette noirceur dramatique que Argoat se singularise par rapport à ses devanciers et ce, quand bien même cette tristesse a toujours accompagné Belenos dans ses épopées. Loin d'une gigue festive, le black païen que Loic Cellier sculpte, est depuis le début miné par un désespoir rocailleux, presque austère, ce qui lui confère cette gravité empreinte de noblesse. Si le titre éponyme, aux morsures extrêmement mélodiques ou Dishualder grondent d'une puissance émotionnelle, que dire du surprenant épilogue Arvestal, reprise toute personnelle du thème de la série Amicalement vôtre (de John Barry), qui diffuse une beauté aussi osseuse que tragique. Sans révolutionner son écriture mais dressant plus que jamais une inspiration turgescente, Belenos délivre avec Argoat une œuvre à la fois glaciale et mélodique selon son habitude mais également poussée par une brutalité plus bouillonnante encore et tâchée d'une tristesse forestière, faisant de lui un de ses meilleurs albums, citadelle assiégée par un mélange d'émotions hivernales et d'âpreté terreuse. (28.12.2019 | La Horde Noire) ⍖⍖⍖
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