13 janvier 2020

Goatess | Blood And Wine (2019)



















Nous avons sans doute eu tort de réduire Goatess à la seule personne de Christus. Sinon comment expliquer la réussite de "Blood And Wine", alors même que le chanteur ne l'a pas enregistré puisqu'il a quitté le navire en 2017 !

Le départ de cette figure charismatique de la chapelle doom et stoner permet finalement  de mettre en lumière le rôle du guitariste Niklas, dernier membre historique aux côtés du batteur Kenta car, avec le recul, c'est sans doute à lui que l'on doit surtout - et nonobstant bien entendu la contribution de l'ex Saint Vitus,  la précieuse valeur de "Goatess" et "Purgatory Under New Management", opus respectivement gravés en 2013 et 2016. Pour être honnête, ce changement de personnel (l'actuel bassiste de Count Raven, Samuel Cornelson, a également rejoint le groupe depuis le deuxième album) ne saute pas vraiment aux oreilles à l'écoute de cette nouvelle offrande, tant dans le style pratiqué que dans la qualité affichée. Il faut dire que la voix de Karl Buhre ne dénote pas du tout par rapport à celle de son prédécesseur même si son registre se révèle plus rocailleux  bien que tout autant taillé pour le doom sabbathien sculpté par les Suédois. Il est d'ailleurs permis de se demander comment celui qui officiait jusqu'à présent au sein de Crucifyre, groupe de death metal de seconde division, peut faire preuve d'une telle aisance dans un style éloigné de son terrain de chasse habituel. A l'écouter, on a l'impression que le bonhomme lutine le stoner depuis toujours.

Vous l'aurez donc compris, l'absence de Christus ne se fait à aucun moment sentir tout du long de ce "Blood And Wine" en tous points digne de ses deux aînés. A l'heure où les principaux artisans suédois du genre, de Count Raven justement à Spiritus Mortis par exemple et exception faite de Candlemass et de Lord Vicar (au sein duquel Christus évolue !), poursuivent leur hibernation, qu'il est jouissif de pouvoir savourer une pure rondelle de doom comme seul ce pays coincé entre la Norvège et la Finlande sait en forger. Tempo pachydermique, guitares grosses comme des poutres et vocalises enfumées et ozzyesques conditionnent les imposants 'Goddess' et 'Dead City' qui entament cette descente spéléologique longue de 65 minutes épiques et grumeleuses tout ensemble. Mais c'est pourtant en arborant un visage plus psychédélique (l'énorme 'Jupiter Rising') ou plus direct ('Black Iron Mark') quoique toujours extrêmement pesant ('Dunerider') que cette troisième offrande creuse ses plus profonds stigmates dans notre mémoire, comme l'illustre par ailleurs la pièce terminale qui donne son nom à l'album et dont le trop long quart-d'heure est sauvé par ses atours les plus nébuleux voire presque cosmiques. Si les lignes vocales du nouveau venu ensorcellent, la semence épaisse qui s'écoule du manche de Niklas trace une traînée cendreuse chargée d'une beauté désespérée, irriguant un menu massif aussi accrocheur que pétrifié. Goatess n'aura pas souffert du départ de son légendaire chanteur, livrant avec "Blood And Wine" l'écrin puissant d'un doom traditionnel, à la fois moelleux et tenace,  brillant de salvatrices lueurs psychés.  (08.11.2019)

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